En parfumerie, il y avait une maison dont rien que l'évocation du nom m'ennuyait déjà: Miller Harris !
Non pas que les jus soient de mauvaise facture, mal exécutés ou désagréables, c'est juste que ce type de parfumerie ne me touche aucunement. Je trouvais les parfums de Lyn Harris, la créatrice, trop vaporeux, éthérés et légers, sans grand caractère, souvent travaillés avec des notes boisées aromatiques, ou florales transparentes très diluées, et toujours, TOUJOURS une note de vétiver que je déteste tant. Je n'arrivais simplement pas à me projeter dans ses créations.
Je parle au passé, car l'une des dernières nouveautés de la marque, La Pluie, m'a poussé à revoir mon jugement.
Pour me toucher au point d'hésiter à en acheter un flacon, La Pluie est allée puiser jusque dans mes souvenirs olfactifs personnels, dans les odeurs de mon enfance, gravées au plus profond de moi.
Entre les parfums des figuiers sous le soleil de l'été, du vent glacial poivré et mentholé de l'hiver, des feuilles de tomate froissées entre les doigts, se cache l'odeur qui est au centre de nouveau Miller Harris, et qui m'est apparue évidente dès les premiers tests : la farine de blé mouillée.
C'est toujours surprenant de retrouver, où on ne l'attend pas, une odeur qu'on avait oubliée !
Une enfance passée à la campagne, proche de la nature (et de nombreuses fermes!) ne peut que favoriser la quantité d'odeurs mémorisées. Des odeurs aussi originales et variées les unes que les autres, et celle de la farine humide en fait partie !
Douce, poudrée, tiède... on pouvait la sentir lorsque mamie préparait sa fameuse "pâtée" pour lapins, mélange d'épluchures de pommes-de-terre cuites et de son (une farine grossière et complète de blé et de diverse céréales) dont les boules de poils aux longues oreilles raffolaient. On les observait avec attention dévorer ce véritable plat gastronomique qui dégageait un fumet presque alléchant.
C'est aussi le parfum de nos "tambouilles", lorsque l'on s'improvisait chefs cuisiniers avec les cousins, qu'un seau d'eau faisait office de marmite et que l'on y jetait toutes sortes d'ingrédients aussi appétissants les uns que les autres: des grains de maïs piqués dans les mangeoires du poulailler, quelques carottes dérobées aux lapins, de la sciure pour donner de la consistance, une poignée d'herbe faisant office d'aromates... et la fameuse farine que l'on allait chercher directement sous la machine à concasser le grain, par poignées et qui s'accrochait à la peau et au vêtement sous la forme d'un film blanc, doux et poudré !
Goutte dans l'herbe, |
Moins brute et rustre que vous pourriez l'imaginer après ces quelques images, cette odeur est, dans La Pluie, fidèle et joliment agrémentée d'une touche de fleurs blanches et de lavande, qui rend le tout un peu plus aérien. Finalement, le rendu est complètement raccord avec le reste de la collection, et l'arrangement et le choix des notes tout à fait reconnaissable !
Doux, soyeux, farineux... en fond, une pointe de vanille particulièrement bien fondue et mêlée au reste de la composition apporte un effet supplémentaire de confort et de douceur.
Doux, soyeux, farineux... en fond, une pointe de vanille particulièrement bien fondue et mêlée au reste de la composition apporte un effet supplémentaire de confort et de douceur.
En faisant abstraction de mes souvenirs personnels, qui conditionnent quelque peu mon avis, il y a une chose dont je suis sûr et qui, je l'espère, vous touchera aussi, c'est toute la poésie qui émane de cette composition. La douceur incroyable des notes et la fragilité qui en découle ne font que renforcer ma fascination pour ce parfum et justifient mon regard béat d'admiration et mon air rêveur lorsque je l'ai sous le nez.
Contrairement à l'idée "d'atmosphère lourde qui règne avant la pluie dans une île lointaine", que la créatrice a voulu représenter dans cette fragrance, je préfère me prendre à rêver d'une douce pluie fine tombant dans l'air tiède du jardin de Giverny dans la lumière dorée à l'aube d'une journée de début d'été.
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Iris à Giverny, source: arts-lubies.blogspot.fr |
La Pluie m'aura donc permis de revoir mon jugement vis à vis de la gamme Miller Harris, de m'y intéresser plus sèrieusement, et trouver, finalement, d'autres perles comme Figue Amère, Fleur de Sel, Feuille de Tabac ou encore l'Air de Rien.
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Cet article avait été initialement publié en mars 2012 sur mon premier blog consacré au jardin, Euphorbia.
La Pluie, que j'ai re-senti hier me fait toujours le même effet : un sentiment de mélancolie et de sérénité emprunt de douceur et de poésie. C'est pourquoi j'ai voulu, après quelques retouches, vous le livrer à nouveau ici.