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[Coup de Cœur] Trudon, Diptyque, Penhaligon's - Les Bougies de la rentrée...

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Une bougie de cape et d'épée - Madeleine, Cire Trudon

Bougie Madeleine - source : www.ciretrudon.com
Quoi de plus normal qu'un cuir, pour rendre hommage à cette femme de caractère du XVIIème siècle, garçon manqué dans l'âme, chanteuse d'opéra et de tavernes, à la beauté désarmante et à la lame aussi fatale que son franc parlé et sa rage de vaincre ?

Par ce cuir vert et aromatique, légèrement floral, le clin d’œil (voulu ou non) à l'une des parfumeuses qui a profondément marqué la parfumerie est tout à fait justifié et habilement mené. En effet, le crochet que fait la bougie Madeleine par Bandit, Jolie Madame (et plus tard, leur descendant Cabochard) n'est pas sans rappeler les formules taillées à la serpe autour du cuir vert de l'isobutylquinoléine de Germaine Cellier, qui semble partager avec notre héroïne sa gouaille, sa beauté insolente et son tempérament de feu.

Armoise, lavande, vétiver, notes animales et cuir tabacé... Une Madeleine qui n'a rien d'une douceur, mais dont l'audace et le parti-pris olfactif ne font que confirmer la qualité des créations du maître cirier Trudon.


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Triptyque d'émotions chez Diptyque - Les Cierges de la Collection du 34

Les Lilas, Le Redouté et Curiosités sont les trois nouvelles bougies de la célèbre marque parisienne à l'ovale. Toutes trois sont disponibles dans un nouveau format inédit : le cierge.

Les Lilas, Ditptyque - www.diptyqueparis.fr
Dans ces trois parfums d'ambiance, Diptyque nous invite à un véritable voyage olfactif. Un voyage contemplatif, méditatif, nostalgique ; à la fois terrien et aérien, presque céleste. Une invitation à une véritable immersion au cœur d'atmosphères et d'émotions, comme si des bribes de souvenirs nous étaient racontées par un vieux sage, ou contées par une grand mère dans l'atmosphère cossue et rassurante de son salon. Les mots aspirent toute votre attention et votre intérêt. Au fil des évocations, les mots se font lointains mais toujours aussi clairs. Peu à peu, autour de vous, à chaque détail qui coule des lèvres de ce livre ouvert, se plante le décor et vous vous laissez aller à la rêverie...

Tout le monde sait que les lieux sont habités d'odeurs. Ces âmes odorantes hantent pour le meilleur (et parfois pour le pire) des lieux que l'on aime tant ou bien où l'on passe juste, et qui nous imprègnent, allant même parfois jusqu'à nous marquer profondément. Une pièce forge son identité olfactive par tout ce qui y vit et s'y vit, par tout les souvenirs qui s'y sont accumulés. Du meuble en bois brut, aux bibelots venus des quatre coins du monde. Des objets du quotidien habitués des lieux, aux morceaux de vie étrangers de passage, déposés là par erreur ou volontairement, jusqu'aux éclats de rires, de voix et aux tintement des verres qui s'entrechoquent joyeusement. Tout rempli l'espace d'une douce odeur rassurante. Puis lorsque la vie est amené à quitter la pièce, un voile poussiéreux et brumeux se dépose en filigrane à la surface de la pièce. le salon joyeux et animé prend des allures de bureau feutré, de cabinet de curiosités inquiétant, hanté par les fantômes du passés. Les odeurs sont en condensé, et se patinent. Tout se floute peu à peu.Le bois sec du cèdre enveloppé d'encens, le poudreux terreux de l'iris mêlé au remugles mystérieux et noirs de l'ambre gris...Curiosités est ce condensé d'atmosphère à la fois rassurante, mélancolique et doucement surannée, que seule la finesse d'écriture, la poésie et le génie d'interprétation de moments suspendus d'Olivia Giacobetti pouvaient mettre en bougie.

Autre bougie, autre atmosphère.
Encore dépouillés par l'hiver qui vient de mourir, les arbres aux longues branches où peinent à exploser les premiers bourgeons de l'année, étendent leurs cimes noires dans la brume fluide et fraîche d'une matinée de printemps. Seul le bosquet de lilas, fiers et conquérants, épanouit ses panicules d'un blanc pur dans l'humidité mordante qui fait suinter la terre d'une odeur d'humus. C'est la rencontre de l'eau, de la terre et du végétal en un même lieu, d'un souvenir de fleurs de jonquilles dans les cheveux et de perles froides de rosée qui coulent sur les mollets, au cœur d'un grand jardin qui s'éveille. Un jardin lointain, qui se drape du voile argenté et incertain du souvenir. C'est la mélancolie saisissante d'un souvenir fugace qui coule entre les doigts ; la joie que procure la vision et le souvenir de ce morceau de paradis, et le déchirement d'avoir la sensation de le perdre et d'avoir finit d'y vivre des moments extraordinaires.
C'est Les Lilas, par Olivia Giacobetti.


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Samarkand, Penhaligon's
Samarkand est la bougie Penhaligon's spécialement (re)mise en avant pour la fashion-week de Londres.
Hommage vibrant, riche et opulent à la célèbre ville Ouzbèke éponyme, Samarkand n'en reste pas moins étonnante. En effet, si en sanskrit son nom signifie "lieu de la rencontre, du conflit", c'est bien un choc de deux univers qui s'affrontent derrière cette bougie toute de noir vêtue, de la cire jusqu'au bout du verre. Les volutes sombres et épaisses d'une cire d'abeille envoûtante, habillées des vapeurs de fleurs narcotiques, typiquement orientales, sont portées par l'aspect aromatique et épicé typiquement occidentale d'un fantôme de fougère, clin d’œil aux parfums de facture classique de la maison. L'Orient et l'Occident se rencontrent pour le meilleur ; sous les voûtes somptueusement ornées des palais, se côtoient brocards, fourrures, or et épices au cœur des parfums suaves et assommant d'une ville mystérieuse.

L'atmosphère sombre, chaude et enveloppante de Samarkand sera parfaite pour cet hiver, dans le confort cossu d'un salon à la campagne pour se jouer du mauvais temps rêver d'un bout d'Orient.


[Fiche Matière] #3 Absolue de Gentiane

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Matière inattendue.


Oui, la gentiane est une matière particulièrement discrète, voire très rare en parfumerie, et pour cause... les quantités produites sont limitées et son caractère sauvage et marqué ne sont pas simples à proposer en cosmétiques.
Mais c'est aussi le but des articles de cette série concernant les matières premières de la parfumerie : vous faire découvrir aussi (malheureusement uniquement par les mots !) des matières originales, rares, oubliées...

Gentiana lutea, planche de Köhler
Les vapeurs de l'absolue de gentiane me sont particulièrement évocatrices et fortes en émotions. Il faut dire qu'ici, c'est tout particulièrement mon âme de petit garçon des montagnes (mon côté Heidi diront certains) qui va parler, puisque la gentiane touche directement mes racines ancrées dans les alpes haut-savoyardes.

En effet, la gentiane est une plante de haute montagne ; plante commune des Alpes, mais aussi des Vosges, des Pyrénées et du Jura. Les hauts épis jaunes à étages (dite en glomérules, pour les botanistes) de la Gentiana lutea, la variété utilisée en parfumerie, fleurit de juin à août dans les pâturages.
La gentiane jaune ne passe pas inaperçue ! En effet, ses inflorescences montent jusqu'à 1,50m et leur couleur jaune d'or la rendent particulièrement attirante à l’œil. Il existe également des variétés plus rases, et colorées de l'un des plus beaux bleus qui soit dans le règne végétal : profond et intense, presque électrique.
La gentiane peut vivre plusieurs dizaines d'années, parfois jusqu'à 50 ans, si elle n'est pas arrachée avant par les adeptes pour la récolte de la partie utilisée : ses rhizomes.
La gentiane jaune, celle qui nous intéresse donc, est particulièrement reconnue pour ses vertus digestives notamment, ce qui en a fait une plante vedette des apéritifs, liqueurs et eaux de vie. Vous connaissez sans doute la Suze. Et bien si vous voulez savoir ce que sent l'absolue de gentiane, prenez-en un verre (avec modération, bien sûr) ! On la retrouve également dans le Martini bianco et autres Vermouths, et se décèle dans bon nombre d'autre breuvages de ce type par l'amertume râpeuse, astringente et terreuse qu'elle apporte et qui sont en quelque sorte sa signature.


La seconde fille de la terre.

absolue de gentiane surprend et ressemble aux derniers souffles d'un blizzard dans la cime des arbres, sifflant entre les rochers. Tout est bleu et argenté. Un scintillement froid persiste. La proximité est frappante avec les vapeurs alcoolisées entêtantes de la Suze. L'amertume crispe le nez et les nerfs au départ, et étonnement semble apaiser par la suite. Véritable shot de sensations fortes dès les premières secondes, la gentiane prend ensuite des inflexions plus boisées, à peine poudrées, ligneuse et presque florales, tout en conservant son amertume tannique.
Née des contrées au climat extrême, la gentiane semble emprisonner dans son odeur la rudesse des terres calcaires assommées par le soleil l'été, battue par les vents et la neige l'hiver. La fraîcheur verte et indescriptible, glaçante et froide comme la lame d'un couteau, du départ de l'

C'est pour moi l'évocation des bons repas en familles, qui s'étendaient sur des après-midi entiers, et qui se terminaient sur le tintement des verres de digestifs, où la bouteille d'eau de vie de gentiane côtoyait celle de prune, de coing et de génépi.

Gentianes en fleurs - source : wikimedia
La gentiane est pour moi comme la demi-sœur de l'absolue d'iris ; une seconde fille de la terre. Comme elle, c'est une matière marquée par son origine racinaire, par son aspect terreux hérité du sol qui l'a fait naître et profondément empreinte du paysage où elle a poussé.
En effet, si l'iris s'est gorgé du soleil du sud de la France et de l'Italie, du climat clément de plaine où il est cultivé pour le transformer en une odeur poudrée intense, suave, suffocante et douce, la gentiane, quant à elle, traduit l'aspect sauvage et impétueux, brut et caractériel des sols rocailleux balayés par la rudesse de l'altitude, qui se traduit par un aspect plus austère et distant, difficile d'emploi par ses aspérités marquées.

Bien sûr, on ne peut évoquer l'absolue de gentiane sans parler de l'Eau de Gentiane Blanche par Jean-Claude Ellena chez Hermès. C'est l'unique parfum mettant en avant cette plante jusqu'à lui laisser le premier rôle et allant même jusqu'à accentuer ses aspects les plus durs, les plus terreux et rêches. La gentiane s'y fait poudré et râpeuse, soutenue par les notes boisées et musquées. Sublimant ainsi l'aspect ardoisé, gris bleuté et blanc de cette matière, Jean Claude Ellena insuffle à la gentiane un aspect à la fois terriens et aérien évoquant la sensation tactile d'un tissus épais et élégant, ce qui en fait l'allié tout naturel du vêtement en tweed !

Même si elle n'y est pas revendiquée, dans Tralala, le dernier parfum de Penhaligon's signé Bertrand Duchaufour, l'envolée alcoolisée et liquoreux m'évoque une note d'alcool amer et vert à base de gentiane. Une fraîcheur vivifiante qui contraste avec l'effet "boule" du corps ambrée et très dense du reste du parfum.

Le second parfum mettant en vedette la gentiane, qui m'ait été donné de sentir, est une création très confidentielle dédié à l'ambiance et signée Thierry Blondeau, la plume que vous connaissez sans doute sous le pseudo de Méchant Loup et qui écrit sur Olfactorum.
Ma Garrigue est une promenade dans le sud de la France. Entre les pierres calcaires qui chauffent au soleil, une envolée pétaradante et pétillante d'agrumes, où domine le pamplemousse,  dévoile peu à peu les plantes aromatiques qui poussent dans les moindres recoins, et les bouquets de gentianes qui fleurissent ici et là. Une invitation olfactive inattendue, touchante, poétique et subtile. que l'on attend de pied ferme en parfum pour le corps !

Bien rare en parfumerie, c'est la quantité très limitée d'absolue de gentiane qui en fait une matière peu utilisée. Ajoutez à cela un caractère olfactif bien trempé et vous obtenez une matière première réservée aux créations les plus audacieuses.


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A lire également :
Matières premières, introduction et réflexions...
#1 Absolue de Mousse de Chêne
- #2 Absolue d'Osmanthus

Colchiques dans les prés...

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MA SÉLECTION PARFUM POUR CET AUTOMNE - On aura bien peu profité de l'été en temps voulu, on a pu se rattraper vite fait à la rentrée, mais maintenant, on semble être bien rentré dans les frimas de l'automne depuis quelques jours.  Qu'est ce qui me fait dire ça ? Le temps d'abord, mais surtout mes envies parfum ! 


"Colchiques dans les prés 
Fleurissent, fleurissent 
Colchiques dans les prés 
C'est la fin de l'été..."
La Treizième Heure - Cartier

En effet, je crois que l'élément le plus révélateur du changement de saison chez les perfumistas, plus que la date sur le calendrier, c'est le "j'ai envie de tel parfum" ou "qu'est ce que je vais bien pouvoir porter pour m'emmitoufler dans mon écharpe ?", ou encore "quel chypre ira le mieux avec mes nouvelles chaussure en daim et mon trench ?".
Ils sont fous ces perfumistas !

Finis les agrumes, les eaux fraîches à outrance, les fleurettes estivales aux odeurs de soleil. Non, je ne dis pas qu'il ne faut pas les porter durant l'intersaison, mais instinctivement on va vers eux de façon plus anecdotique. Je ne le dirai jamais assez : je suis partisan de l'utilisation des ambres et résines crépitantes en été, et des parfums glacials en hiver.
En automne c'est différent : le temps a le cul entre deux chaises, pouvant changer d'une heure à l'autre. L'atmosphère humide et la nature changeante jouent sur le moral. C'est la saison mélancolique par excellence. L'automne, c'est les envies de notes boisées, moussues, aux accents cuirés, liquoreux. Quelques notes vertes ici et là, entre des fleurs qui revivent et s'affirment après la latence chaude de l'été... Bref, on peut relativement se faire plaisir, dans tout le spectre olfactif, du côté côté classique comme en allant piocher dans les nouveautés.
La Treizième Heure - Cartier

Voici mes envies du moment, bien de saison :


LA XIIIème HEURE - Cartier

Trois ans maintenant que ses volutes de fumées, enlaçant un narcisse brumeux et froid, me fascinent. Empreinte d'émotions et d'une véritable âme, cet opus de la gamme des Heures de Cartier est sans doute l'une des plus belles créations de la parfumerie moderne de ses 10 dernières années. Retrouver son effet boisé fumé subtilement suranné, drapé d'un voile oriental, est toujours un réel plaisir lorsque l'on sent le fond de l'air changer. S'envelopper dans ce sillage mélancolique, semblable au fantôme d'un vieux Guerlain oublié, c'est tirer sur les cordes de la mélancolie ; odeurs familières de feux de bois, d'intérieur de maison de famille, odeurs de vieux livres, et de cheminées fumantes à la campagne... Mathilde Laurent joue avec les émotions, et on en redemande !


CUIR D'ANGE - Hermès

Surprise inattendue de cette fin d'année, je ne me remets toujours pas de ce flot de tendresse, à la fois rieur et nostalgique, que nous offre Jean-Claude Ellena. Un cuir tout en lumière, d'un rayon doré qui se perd furtivement et timidement dans les jours raccourcissant de l'automne.
Cuir d'Ange est fait pour profiter des dernières journées tièdes et ensoleillées de l'année. Une légèreté rieuse et transparente comme un sourire en coin, pour rendre radieux un daim subtilement fumé et épicé qui me fait perdre mon regard dans le lointain, contemplatif.
Un cuir fleuri de mimosa et de lilas qui, par son grain de peau comme chauffé par le soleil de la Riviera, permet de s'échapper et fuir le blues automnal. Ou pour les plus chanceux : le savourer pleinement sous le ciel clément des latitudes plus clémentes !


M7 - Yves Saint Laurent
M7 - Yves Saint Laurent

L'avant-gardiste incompris devenu culte, en version originale (celle que je possède) ou en version Oud Absolue (au départ de oud plus corsé), se dégaine dès les prémices de l'automne.
Sensualité folle d'un oriental boisé et cuiré, sublimant la peau d'une aura électrisante, du fond de l'épiderme jusqu'au bout du poil (qui se hérisse !), c'est la promesse de cette essence insolente et outrageusement addictive. Mais si ce n'est pas l'effet aphrodisiaque de M7 qui vous intéresse, alors c'est pour cette même aura mais pour son effet de réconfort et de bulle rassurante que vous craquerez.
A porter emmitouflé dans une bonne écharpe, avec ou non une belle veste ajustée !


L'ORPHELINE - Serge Lutens

C'est THE Lutens de l'année, sorti entre Laine de Verre (la menthe déjantée de la série des "eaux") et L'incendiare (le oud qu'on se demandait quand il arriverait dans la maison !). Véritable clé de voûte de la collection de parfums Serge Lutens, L'orpheline est à mi chemin entre de nombreuses créations du duo Lutens/Sheldrake. Empruntant le faux œillet à la violette de Vitriol d’œillet, l'encens de L'eau froide, ou encore l'aspect cendré de Serge noire, il semble réinterpréter les codes de la fougère tout en s'en éloignant par ses aspects boisés et orientaux.
Mais le plus saisissant dans ce parfum est sans doute sa force évocatrice. Non pas parce qu'il évoque quelque chose de précis, mais par le pouvoir qu'il a à immiscer en quiconque un sentiment nostalgique, à la fois de plénitude et de malaise. Un flacon rempli d'une pensine cristalline en gris argenté que Monsieur Lutens a tiré du fin fond de ses entrailles. Méditatif et émouvant.

Un parfum Lutens à la hauteur des attentes, à porter dans les teintes grises et noires d'un tweed, pour habiller son sillage d'un chaud/froid de cendres grisantes et inquiétantes qui siéent au mornes et humides journées d'automne.
Mon Parfum Chéri - Annick Goutal



MON PARFUM CHÉRI - Annick Goutal

Momentanément discontinué, puis de retour dans la gamme dans sa concentration EDP, s'il y a un parfum qui évoque immanquablement l'automne par son odeur, c'est bien lui : Mon Parfum Chéri.
Sa prune, liquoreuse et sombre, fait écho à un patchouli, moisi et terreux. L'iris suffocant vient poudrer le tout et faire scintiller de notes de violette ce chypre fruité très rétro. Réminiscence du sillage d'une élégante, fraichement poudrée, se promenant dans la campagne roussissante et gorgée d'odeurs de feuille mortes humides, d'humus et de sous bois prometteurs et généreux.
Quelque peu austère, ce chypre est clivant et peut rebuter par ses aspects les plus bruts. Mais l'élégance retenue et très intellectuelle de Mon Parfum Chéri est un ravissement à porter dans la fraîcheur de l'automne.
J'aime l'aspect salé, que j'appelle "graine de céleri", qu'il développe sur peau en été (à petites doses, en eau de toilette). Mais par temps frais, c'est pour cette vision d'une nature automnale onirique et idéalisée, débordante de feuilles mortes et de fruits bien mûrs, que j'aime le porter.


Mitsouko - Guerlain
MITSOUKO (EDP) - Guerlain

Une envie d'autres fruits et de mousses pour célébrer l'automne ?
Du côté des grands classiques, il y a de quoi se faire plaisir aussi. Alors après le chypre d'inspiration ancienne... le VRAI chypre ancien.
Une structure sombre et épaisse, densément moussue et boisée pour le sombre sous bois, et la peau duveteuse d'une pêche, fleurie de rose et de jasmin, couplée à une ouverture d'agrumes irradiants, pour se rattacher aux derniers rayons du soleil.
Promenade dans un sous-bois qui s'embrase et où arrive à filtrer le maigre soleil d'octobre... Mitsouko est comme une bourgeoise qui s'échappe dès la rentrée de septembre dans sa maison de campagne pour se saouler égoïstement d'une atmosphère surannée, complètement déconnectée, alors que la ville bruisse des talons qui claque sur les trottoirs gris et détrempés.


Bien sûr, je pourrais encore en citer tant d'autres...
Je ne délaisserais pour rien au monde Habit Rouge en eau de toilette, et Azemour de Parfum d'Empire. J'ai aussi des envies de Jicky, de Mouchoir de Monsieur et d'Après l'Ondée ; peut être craquerai-je pour l'un d'eux bientôt. J'ai des envies de cuirs fumés, brut ou bien travaillés et élégants à la manière de Cuir de Russie de Chanel. Je me dis qu'une Eau d'Hermès, avec son cuir cuminique et animal, pourrait tout à fait faire l'affaire les jours sans (c'est vrai que c'est la simplicité même à porter !).
En cette saison, le mimosa est la seule fleur qui me fait réellement envie en soliflore. Une fleur typiquement printanière, mais aux couleurs et à l'odeur douce et feutrée qui m'évoque pourtant la lumière tombante de l'automne. Ma préférence va à Une Fleur de Cassie des Éditions de Parfums Frédéric Malle et Farnesiana de Caron, qui se complètent parfaitement bien : la première aux airs d'aldéhydés des années 50/60, et le second plus amandé et douillet.
Bref, boisés, chyprés et cuirs sont de mise pour ma part. Pas de fantaisies extravagantes pour cet automne, mais du classique sûr et efficace, en allant piocher dans l'ancien comme dans le moderne.


Et vous ? Sous quel signe sera placé votre automne ?


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Et si vous êtes curieux, d'autres blogueurs ont répondu à mon appel et vous livrent eux aussi leur sélection parfum de l'automne.
Retrouvez Dau et ses "envies d'automne", et bientôt les articles des autres copains...

[Coup de Coeur] Cuir d'Ange, Hermès - Aura céleste...

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LA DERNIÈRE HERMESSENCE EN DATE, signée Jean-Claude Ellena, a fait l'effet d'une bombe au sein de la communauté parfum et illustre une fois de plus le talent du parfumeur maison, au sommet de son art depuis plus d'un an, alignant des créations plus novatrices et abouties que jamais. Si touché, c'est à reculons et avec appréhension que je vous livre ici mes impressions sur ce parfum, de peur de ne pas en parler aussi bien qu'il le mérite.

Plus que jamais, le cuir est tendance en parfumerie de niche. C'est un fait. Si je m'attendais à en trouver un cette année chez Frédéric Malle, en lieu et place d'un magnolia psychotique et hystérique atteint par la folie dévastatrice du bois ambré, c'est finalement sur Hermès que j'aurais dû miser. En effet, qui de plus à même que le luxueux sellier associé au parfumeur le plus talentueux de sa génération pour compléter sa gamme avec un cuir à la hauteur de toutes les attentes ?
Pourtant, sur le papier, à l'annonce de l'arrivée de cette nouvelle Hermessence, j'étais plus que sceptique. Difficile pour mon esprit de conjuguer au style Ellena un beau cuir comme il se doit. Et ce n'est pasKelly Calèche avec sa note aigrelette et douceâtre, qui m'est insupportable, qui me rassurait !

La tête libérée de toute attente particulière, sans impatience si ce n'est la curiosité de sentir un nouveau parfum autour du cuir, j'étais, semble-t-il, prêt à me laisser prendre par le nez vers la plus douce des rêveries qui m'ait été donné de sentir cette année.

Caresse - Image tirée de Les Amours Imaginaires de X. Dolan

Par la plume d'un ange, c'est comme ça que tout est arrivé...

C'était l'une des plus belles journées d'automne quand on m'a présenté cette plume d'un blanc-crème laiteux. "Elle charge l'aura de quiconque s'y effleure d'une odeur divine, d'un rayonnement irrésistiblement troublant pour celui qui saura y être sensible" m'a-t-on dit, "elle vient d'un être fantastique, mi cheval, mi ange, que l'on appelait Pégase". Les rayons du soleil, encore doux à cette époque,  traversaient les feuillages qui commençaient à se colorer et portaient les rires et les murmures de la ville empâtée dans l'heureuse mélancolie d'un dimanche après-midi qui se termine.
Sceptique mais curieux, je me laissais tenter. La plume lâchée au dessus de mon bras se mit à descendre dans une ronde infiniment légère, gracieuse et infinie. Le temps semblait se suspendre. Lorsqu'elle toucha ma peau, la réaction fut immédiate : un silence assourdissant et décoiffant, à m'en faire exploser les tympans, balaya tout sur son passage par une déflagration olfactive qui me hérissa les poils. Une onde sensuelle lancée au triple galop.
Stupeur.
 Une envolée d'agrumes et de notes florales au scintillement irisé, comme seul Jean Claude Ellena sait les ciseler. L'air se satura d'un coup d'une lumière dorée et poudreuse, comme celle d'un vieux clip de musique pop pour adolescente en pleine crise existentielle ; vous voyez le genre ? Un souffle lumineux, d'une tiédeur confortable et rassurante, qui teinte ce Cuir d'Ange d'un accent méditerranéen, qui en fait dans mon esprit un cuir très "Riviera".
C'est là, dans cette atmosphère suspendue et feutrée, subtilement sucrée, que mon corps s'élevait, comme tiré par une force ascendante qui me saisit le cœur à m'en couper le souffle. En lévitation, béat dans la tiédeur de l'après midi, la poitrine en avant et les bras flottant dans le vide, bercé par la douceur de ce cuir souple mêlé de lilas, de mimosa et de violettes. Un daim subtilement fumé, à peine animal, réhaussé d'une pointe de miel intense et comme salé par les larmes d'un sanglot d'admiration poussé à bout par un flots d'émotions intenses qui m’envahissaient. Touchant de générosité et de sincérité, comme un livre ouvert, les pages mises à nu, on y lit presque l'odeur du vieux papier tanné par le temps, qui se mêle aux muscs mats, très "peau" et loin d'être mièvres du fond.


Cuir d'Ange sur peau - photo© Musque-moi

Magnétique comme un regard en coin, innocent comme une mèche au vent, irrésistible comme un sourire qui s'enfuit, tendre comme la plus douce des caresses, grisant comme un souffle sur la peau... Cuir d'Ange m'émeut et me laisse sans voix parce qu'il garde tout au long de son évolution cette dualité et ce contraste d'un cuir mêlé de notes lumineuses et radieuses. Une véritable réinterprétation contemporaine du cuir de Russie s'inscrivant à merveille dans l’œuvre de Jean-Claude Ellena.

L'odeur d'une peau sublimée et rayonnante, un idéal charnel, un fantasme épidermique...Un cuir solennel. Éblouissant.
Je venais d'être fusillé en plein cœur par le plus doux des coups de foudre.


Cuir d'Ange est pour moi la plus généreuse, la plus personnelle et la plus touchante des Hermessences. On y devine un Jean Claude Ellena charmeur, sensible, réinventant une note classique que l'on voyait tourner en rond depuis quelques années.
Particulièrement émouvant.
Tout simplement beau. 



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Et si vous voulez rêver encore un peu plus, galopez sentir la bougie A cheval ! qui vient de sortir chez Hermès. Une retranscription plus brute et rêche de Cuir d'Ange mais toujours en finesse et subtilité, faite par Céline Ellena, pour habiller son salon des volutes élégantes de ce daim divin.

Cuir de Russie, Guerlain 1935 - Mitsouko dans le fumoir...

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La force d'un beau cuir, en parfumerie, c'est d'allier le caractère fumé, animal et sans compromis de la peau travaillée à la notion de "portable" et d'agréable, aux fleurs, aux fruits, aux agrumes... Il est simple te travailler un cuir en surdosant les notes fumées, écrasant tout sur leur passage et offrant un impact puissant et facile, mais plus difficile est de dompter ces fumerolles au caractère sulfureux et envahissantes, de leur insuffler une tête et un fond qui s'y mêlent parfaitement.
On pourrait croire que les cuirs anciens, en naissant dans les prémices de la parfumerie moderne, sont nécessairement "lourds", "peu fins" et "caricaturaux". Et pourtant, c'est oublier qu'à cette époque, on travaillait les parfums avec de nombreuses matières naturelles ainsi que des bases qui permettaient une richesse et une texture qui assuraientt le fondu des notes tout en conservant le propos et sa personnalité, en l’occurrence ici l'aspect fumé.
Si on connait tous le Cuir de Russie de Chanel, un cuir floral à tendance aldéhydé qui a su, malgré les décennies, survivre au choc des tendances et des réglementations pour rester au catalogue de la célèbre maison de couture, on connait cependant moins celui de Guerlain, et pourtant, quelle beauté !

Cuir de Russie, Guerlain 1935 - Photo : Musque-Moi

Créé en 1870 par Aimé Guerlain, il sera arrêté, puis recomposé et modifié par Jacques Guerlain en 1935 sous une forme que l'on pourrait décrire comme étant un Mitsouko sur-fumé. Le sillage d'une cocotte des années 20 qui traverserait l'atmosphère épaisse d'un fumoir, gants dans la poche et col en renard sur l'épaule. Un parfum de caractère pardi !

Si on y retrouve le contraste des notes hespéridées et des notes fumées (écorce de bouleau) de Voilà pourquoi j'aimais Rosine, le rapprochant des créations d'Aimé et des parfums Guerlain début de siècle, la particularité de ce Cuir de Russie provient de traces, infimes ou évidentes (c'est selon), de Mitsouko et de Chypre de Paris injectés dans la formule lors de son re-travail en 1935. Cela l'associe définitivement à Jacques Guerlain et en fait toute sa richesse et son originalité. En effet, ce fonctionnement par formules dites "à tiroirs"était chose commune chez Guerlain à l'époque, mais étonne toujours lorsqu'on en entend parler. La furie des notes fumées, emportées par une bergamote rayonnante en tête et par quelques notes florales de rose, de muguet et de jasmin, est tout juste apaisée et épaissie par ce fantôme de Mitsouko qui tente d'épaissir et d'arrondir l'accord. On saisit également nettement l'effet santalé et légèrement poudré-vanillé du calamus, un roseau à l'odeur de pâte à gâteau crue, de Chypre de Paris. Ce dernier complexifie la formule en l'épaississant également, et apporte une assise boisée et souple qui enveloppe la composition et permet de dompter le labdanum incendiaire qui se cache dans le fond.

Certes, l'effet fumé est dosé sans compromis dans ce Cuir de Russie, soutenu par la verticalité des épices qui dissimulent quelques œillet, mais la rose, la violette et le fond oscillant entre l'oriental et le chypre savamment brodé façon Vol de Nuit offrent une complexité allié à l'austérité raide et naturelle des parfums de la première moitié du XXème siècle.

Addictif en diable puisqu'il voile la peau d'une aura grisante et complètement hors du temps, ce cuir salé et à peine animal intrigue les nez peu habitués. Mais les notes fumées ont la particularité de créer un phénomène d'adhésion et de curiosité auprès du public. En témoignent les nombreuses sorties de niche mettant en avant, ces dernières années, les notes fumées. On pourrait d'ailleurs considérer que Bois d'Ascèse, de Naomi Goodsir, pourrait être le digne descendant du Cuir de Russie de Guerlain.

Je fond pour ce cuir radicalement différent d'Habit Rouge ou encore de Cuir d'Ange, et me délecte de ses fumeroles dans la froideur de l'hiver naissant. Dans le fond de mon écharpe ou sur le col de mon manteau, pour revivre le passé glorieux d'une parfumerie splendide et riche.


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Pour lire ou relire l'ensemble des article au sujet du Patrimoine Guerlain et des repesées historiques, c'est par ici :
- Shalimar de 1925 à 2015, passé, présent, futur...
- Cuir de Russie, Mitsouko dans le fumoir...

Patchouli Absolu, Tom Ford - Patchouli mucho macho à la sauce flash back ...

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TOUJOURS AUSSI PROLIFIQUE, TOM FORD REVIENT AVEC PATCHOULI ABSOLU. Cette année, après le flanker de son féminin mythique 'Velvet Orchid', ses deux nouvelles colognes rejoignant 'Néroli Portofino' et son exclusif intriguant d'animalité 'London', le styliste so black nous dévoile son dernier opus.

Ce matin, dans les escaliers en sortant du métro, j'ai été étourdi par une fougère à l'ancienne, so testostérone, dans le sillage d'une jupe crayon montée sur stilettos. C'est en sentant ce mélange des genres que j'ai eu envie de vous parler de Patchouli Absolu découvert récemment, et qui propose aux femmes (entre autres) ce sillage indécemment masculin ; comme les restes d'une nuit, dans les bras d'une fougère, imprimée sur peau.

Imaginez : une fougère, des poils et un retour vers le passé sauce moderne.
Je ne sais pas vous, mais déjà rien qu'avec ces trois indices, personnellement j'aurais instinctivement pensé à l'univers Tom Ford.

Sillage - détail d'une publiscité Tom Ford eyewear

Frôler le cliché, privilégier les classiques en les déformant à l'américaine (a.k.a.. tout en subtilité !), c'est un peu la marque de fabrique de Tom Ford. Autant du côté de sa gamme grand public, que du côté de sa collection Private Blend.  

Patchouli Absolu n'y échappe pas !
Avec son départ droit dans le cœur du sujet, un patchouli hypnotique et tentaculaire enroulant la fragrance dans des volutes brunes et noires, on pourrait presque passer à côté de ces infimes mais nécessaires traces de lavande, de romarin et de géranium. Répondant à une subtile tonka se cachant en fond et une mousse d'arbre en mineur, elles forment la structure la plus classique de la parfumerie masculine : la fougère.
L'overdose de patchouli faisant finalement sombrer Patchouli Absolu dans la famille des boisés à tendance chyprisante, cuiré en fond, façon Gentleman de Givenchy, l'aspect fougère reste cependant bien palpable. Il apparait alors comme digne descendant de Pour Homme et de Kouros d'Yves Saint Laurent, de Antaeus de Chanel, jusqu'à Rive Gauche pour Homme. En somme, de la chemise ouverte en col pelle à tarte sur tapis de poils, très old school typé 80's ascendance 70's.


Patchouli Absolu - Tom Ford
Une inspiration et des filiations intéressantes, pour un revival des masculins d'antan presque complètement réussi si seulement la modernisation de l'accord n'avait pas simplement consisté à ajouter une louche de bois ambrés en fond, qui crient de façon peu élégante sur la fin lorsque le patchouli s’essouffle. Dommage !
Mais Patchouli Absolu n'est pas à bouder pour autant, tant le travail autour du patchouli, ciselé par différentes qualités et par quelques bois et épices est intéressant et promet de belles choses, dans les années à venir, avec cette matière. Allons-nous enfin nous éloigner des chypres modernes, utilisant des patchoulis "blancs" plutôt que "noirs", délavés pour ne pas trop brusquer les consommateurs ?

Le client de parfumerie, recueil et florilège...

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En cette fin du mois de décembre, à l'heure où blanchit la campagne et où fleurissent sur toutes les chaînes TV les bêtisiers de l'année, je vous propose le mien, à la sauce parfum. Mais pas n'importe lequel : celui dans la rubrique "client".

On parle souvent des perles que nous déblatèrent à tour de langue les vendeurs/euses des Nociphorarionaud. C'est vrai que, même si c'est désolant, au final ça nous donne matière à rire. Et puis bien souvent, la faute vient plutôt des sociétés qui les embauchent et qui les forcent à réciter ces discours marketing risibles. D'ailleurs la parfumerie de niche n'est pas en reste ; on y retrouve également quelques énergumènes bien gratinés. Là, c'est encore plus alarmant me direz-vous.
Mais mes chers lecteurs, ce qu'on oublie bien souvent, c'est que le client, lui aussi, est particulièrement doué pour débiter un flot d'âneries considérable à la minute en croyant maitriser le sujet. Ceci est bien sûr valable en dehors du parfum, mais recentrons-nous, si vous le voulez bien, sur les 10 phrases cultes des clients en parfumerie.
Que vous soyez vendeur, vendeuse, formatrice en parfum, propriétaire de marque de parfum, directeur artistique... Je suis certain que vous avez déjà entendu au moins l'une des phrases qui vont suivre, c'est à en pleurer (dans les deux sens du terme). Leur signification est cependant à connaitre lorsque l'on travaille dans le domaine, pour savoir comment orienter sa vente et comment régir face au client, déchiffrer ce qu'il veut nous dire pour ne pas tomber dans un dialogue de sourds. Comprendre son client et son langage fait la force d'un bon vendeur. Dans le meilleur des cas, lui expliquer que les termes qu'il utilise et ce qu'il pense connaitre ne sont pas nécessairement la vérité, c'est déjà un pas vers une rééducation (voire une éducation tout court) olfactive nécessaire !




1/ "C'est fort / c'est frais !"
C'est LA PHRASE numéro une en parfumerie. Celle qui résume tout ce que le client pense de ce qu'il a sous le nez, le tout jugé en 5 secondes montre en main. Par "c'est frais", il faudra bien sûr comprendre "j'aime bien" même si c'est un gros oriental sur la mouillette. Par exemple, La Vie est Belle "est frais" dans ce langage bien étrange.
Pour parler de ce que vous n'aimez pas, vous utiliserez, bien entendu, le très évocateur "c'est fort". Cela pouvant bien sûr s'appliquer à l'odeur d'une matière dans le parfum et non du parfum dans sa globalité. Ainsi, par ses notes d'agrumes explosifs, une Cologne pourra facilement être jugée comme "forte", alors que par définition, on est bien loin de ce qu'il y a de plus fort en parfumerie. Vous aurez beau essayer d'expliquer toutes les subtilités des parfums les plus délicats à l'image d'Angéliques sous la Pluie de Jean Claude Ellena pour Frédéric Malle ou L'Ether de Iunx, vous récolterez toujours le traditionnel "c'est trop fort" de la cliente qui ne trouve pas son sucre au milieu des fleurs légères et des notes aromatiques fraiches et pimpantes.

2/ "Mais ça ne sent pas le parfum !"
Mais alors ça sent quoi ?
Le gel douche, le déodorant ou le savon ?
C'est normal, la parfumerie, depuis des siècles, transfère ses schémas d'odeur de la parfumerie fine (alcoolique, c'est à dire pour porter) vers la parfumerie fonctionnelle et les cosmétiques, et inversement. D'où l'effet "mousse à raser" dans les fougères, famille olfactive plébiscitée par la gente masculine et ayant donc été reprise dans les soins pour barbe de ces messieurs. On peut parler aussi de l'effet "savon" des floraux aldéhydés. Pourtant, c'est plutôt les savons qui ont des odeurs de parfums aldéhydés, si on remet les choses dans l'ordre ! C'est sans doute ce qu'il y a de plus compliquer à expliquer aux novices.
Même principe quand on vous dit que "ça sent les chiottes" !
Plus compliqués encore sont les clients qui viennent de la parfumerie traditionnelle et qui veulent découvrir la parfumerie de niche. Dzongkha, Azemour ou encore Mon Parfum Chéri ont des odeurs plus atypiques, plus marquées, moins fondues ce qui leur donne une personnalité, que l'on pourrait qualifier de "vraie" et "nature", contrairement aux fragrances de la grande distribution qui sont souvent si lissées, et aux formules si longues, que l'on se retrouve avec une soupe où plus aucune matière ne s'exprime, plus rien ne dépasse, comme si tout était sous un film plastique !
Une homogénéisation générale et fatale du parfum.

3/ "Ça sent le vieux !"
Voilà la phrase qui tue. La sentence de mort lorsqu'elle est prononcée devant un passionné en la matière. A l'heure où le vintage est plus que jamais à la mode, que le hipster mange des soupes de légumes oubliés et s'habille d'une chemise à carreaux et d'une barbe (oui, seulement de ça !), que Jennyfer et Tati ressortent les sweats et les leggings des années 90, pourquoi personne n'a acclamé le retour du vieux en parfumerie ? Certes, comme dans tous les domaine, la parfumerie c'est reprendre du vieux pour faire du neuf. Mais en parfumerie, rare sont ceux qui vont acheter du vieux pour porter du vieux !
Le plus énervant, ce n'est pas que l'interlocuteur trouve un parfum "vieux", mais c'est que cet élément soit utilisé à outrance et à la moindre note de rose, d'accord chypré ou d'aldéhyde. Les N°5, Miss Dior, Shalimar, Mitsouko et autres Cuir de Russie restent les piliers majeurs de la parfumerie et incarnent la quasi-perfection. Oui, certains schémas, certaines familles, font datés, mais parce qu'ils ont connu leur heure de gloire il y a bien longtemps et que, les modes passants comme les saisons, d'autres sont arrivés. Mais pourquoi devrait-on ne pas apprécier un parfum sous prétexte qu'il fait daté ? Au contraire, s'attarder sur ces parfums qui ont traversé les décennies c'est se pencher sur des valeurs sûres. C'est choisir une part d'élégance surannée, classique, rétro. Oui, "rétro", voilà comment le présenter : "- Ça fait vieux ! - Ah non Madame, ça c'est rétro !" dit le vendeur à sa cliente en reposant le flacon de Baiser Volé. L'art et la manière d'amener les choses... Bien sûr, il faudra expliquer plus longuement les inspirations et l'effet suranné et teinté de poudre de riz à l'ancienne (toujours en faire trop pour que la pilule passe) d'Oeillet Sauvage de l'Artisan Parfumeur pour que dans l'esprit du client, le vieux sens-bon de grand mère devienne un joli parfum rétro d'un autre temps et complètement à contre courant.
Et quand il est question d'un parfum qui a tout de moderne que l'on étiquette de vieux, alors là c'est à ne plus rien y comprendre. Dernier exemple en date : l'Eau de Narcisse Bleu d'Hermès. Difficile à expliquer, me direz-vous, à quelqu'un qui est simplement là pour acheter un jus comme on achète un pack de yaourts et pour qui la valeur historique et qualitative d'un parfum est quelque chose de bien lointain.

4/ "Ah non je n'aime pas le patchouli !"
Pauvre patchouli ! Les années 70 ont eu sa peau. Premièrement parce qu'il a été irrémédiablement lié à l'image du hippy, et deuxièmement parce que, découlant de la première explication, il est devenu l'une des seules matières premières que les gens connaissent de la parfumerie.
Si par malheur le vendeur cite le patchouli dans l'énoncé des notes, même si la cliente appréciait la fragrance, vous avez 80% de chance d'obtenir une moue, et 30% de chance de terminer dans les 10 secondes qui suivent avec un "ah non, désolé, c'est pas pour moi, je n'aime pas le patchouli". Le problème, c'est que ces gens, bien souvent, ne savent évidemment pas ce que sent réellement le patchouli.
Il y a aussi ceux qui prennent leur air d'expert, l'oeil plissé, en regardant le conseiller d'un air de défis, le sourire au coin des lèvres, en lançant un "dites, il n'y aurait pas du patchouli dans votre parfum là ? Non parce que moi je sais le reconnaitre le patchouli, je ne l'aime pas ! Si si, je vous jure, il y en a dedans, je n'aime pas ça !". Si vous le dite !
A ceux qui le sentent partout, on aurait envie de leur dire que de toute façon, bien souvent il est en traces si infimes qu'il faudrait être un chromatographe en phase liquide couplé à un spectromètre de masse pour le sentir. A ceux qui dénigrent tout parfum où le patchouli est cité, on aurait envie de leur dire que comme la vanilline, la bergamote ou les muscs, rares sont les parfums qui n'en contiennent pas !
En résumé, "ça sent le patchouli" pourrait presque revenir à "ça sent le vieux" et donc à "c'est fort" ; cqfd.

5/ "Les parfums ont tendance à tourner sur ma peau !"
Ahhhhhhh, la traditionnelle remarque sur le parfum "qui vire", comme ils disent. "Je ne porte pas de parfum, de toute façon ils tournent tous sur moi". J'en mets mon nez à couper que tout vendeur a au moins entendu une fois cette phrase. Cependant, difficile à dire combien sont ceux qui, comme les clients, croient aussi à cette légende !
Pour remettre les choses au clair, seuls les agrumes et les notes vertes sont fragiles et donc sensibles sur peau, because chimie et tout le tsoin-tsoin ! Mais sinon, rien de plus stable que les notes ambrées, vanillées, boisées ou cuirées. Il faut également prendre le temps nécessaire pour le tester sur la longueur, et ne pas hurler dès les premières secondes à je ne sais quel dieu de l'hérédité de vous avoir donner une peau pareille !
Rien ne sert de renifler votre poignet comme si vous vouliez passer sous votre épiderme pour voir si le parfum "tourne" ; si vous en arrivez au constat malheureux qu'il "change" sur vous (autre expression communément admise), c'est que tout simplement vous ne pouvez pas le piffer ! Passez votre chemin et cherchez encore !

6/ "Je vais prendre l'Eau de Parfum parce que c'est mieux !"
Mieux que quoi ? Mieux pourquoi ? Non, mais non ! L'Eau de Toilette et l'Eau de Parfum, c'est le jour et la nuit. C'est pas qu'une histoire de concentration, les formules changent aussi. Et puis d'ailleurs, une plus haute concentration n'est pas synonyme de meilleure qualité. Seul le prix est proportionnel dans cette histoire.
L'eau de toilette sera plutôt synonyme de fraîcheur, de légèreté et d'évolution du parfum. Les matières naturelles y respirent mieux, les matières de synthèse donnent des effets de clarté et de transparence. L'eau de parfum, quant à elle, sera plus dense, plus riche, plus enveloppante. A choisir, donc, selon les goûts et les envies du moments et non selon ce qui est "le mieux".

7/ On peut faire nous même notre parfum chez vous ?
Je comprends la désir de chacun de posséder un parfum à soi, qu'il soit unique et à notre image, exactement comme on le souhaite. Et puis les intitulés de nombreuses marques de niche comme "éditeur de parfums", "parfums sur mesure", "artisan parfumeur"... laissent un peu planer le doute. Alors souvent, le badaud se fait prendre au piège !
Mais à moins d'avoir plusieurs milliers d'euros à dépenser au minimum dans la création d'un parfum sur mesure pour au moins avoir quelque chose de qualitatif qui ne relève pas de l'atlier découverte chez Galimard ou du Coffret du Petit Parfumeur de votre petit cousin, vous pouvez faire une croix dessus. Et puis de toute façon, la parfumerie propose un choix bien assez large à explorer pour réussir à trouver au moins une fragrance !


Ambroxan - source : wikipédia
8/ "Il y a du chimique dans vos parfums ?"

Ça fait 150ans que la parfumerie n'est plus entièrement naturelle. Ce sont les découvertes de nouvelles molécules chimique et de leurs moyens de synthèse en laboratoire qui ont permis la création des grands classiques révolutionnaires, à l'image de Jicky, Shalimar, N°5 ou Eau Sauvage.
Partant de là, on va pouvoir discuter de la nécessité de la chimie dans le parfum !
Premièrement, les propriétés parfumantes de tout ce qui nous entoure sont fondées sur des principes physiques et surtout chimiques.
Deuxièmement, "chimie" n'est pas synonyme de "mauvais" et "à bannir". Ce serait comme affirmer que tout ce qui est naturel est bon. A ce que je sache, personne n'a pu nous dire si une omelette aux amanites était inoffensive, car tous ceux qui en ont mangée sont morts avant. Et puis lisez le passage sur la mort de Socrate pour savoir si un bon verre de jus de ciguë peut entrer dans le total des cinq fruits et légumes par jour.
Le parfum des roses, c'est de la chimie. L'odeur de la vanille, c'est de la chimie. Encore plus fascinant : l'odeur d'une même molécule, différente si elle est l'image d'elle même dans un miroir, c'est de la chimie aussi ! On utilise des matières synthétiques issues de la chimie, qui peuvent être présentes dans la nature, comme le linalol, le géraniol ou le méthyl anthranylate, ou bien des molécules entièrement synthétiques, comme le cashmeran, l'hédione ou le triplal. Alors oui, les parfums sont pour une bonne partie basés sur des substances chimiques, et c'est ce qui justifie aussi en bonne partie la capacité de cette industrie à produire des milliards de flacons par an. Imaginez si on utilisait uniquement du naturel : les prix flamberaient et le nombre de flacons disponibles chuterait. Bien sûr, en chimie comme dans tous les domaines, tout n'est pas bon. Il faut juste savoir choisir avec application ce que l'on met dans les parfums, et pour cela, les lois sont bien assez strictes pour ne pas se faire de soucis sur le sujet !

9/ "Est ce que ce parfum tient toute la journée ?"
"Je veux un parfum frais, léger, pas entêtant, qui ne dérange pas les autres, que l'on ne me sente pas... et qui tienne !" Et avec ceci, ce sera tout ma p'tite dame ? Les clients ne se rendent pas compte, souvent, que les critères qu'ils exposent relève d'une quête impossible. Et la tenue est l'un des éléments sur lequel ils sont intransigeants et qui peut mettre à mort un parfum, aussi joli soit-il et sans que ce soit son défaut à la base. Car oui, une eau de Cologne ne tient pas une journée complète !
La tenue va avec la puissance, alors si l'on recherche quelque chose de frais et léger, il ne faut pas s'attendre à la diffusion et à la tenue d'un Opium ou d'un Poison ! Car souvent, la question de la tenue du parfum vient après le mythique "je ne veux pas un parfum trop foooooort" (cf. paragraphe n°1) et avant de se décider pour "l'eau de parfum, la meilleure version, elle tient mieux" (cf. paragraphe n°6).
Concentration et famille olfactive du dit parfum sont intimement liés à sa tenue sur peau et textile. Donc ne cherchez pas de parfum léger avec une tenue de 24h. C'est comme pour les déodorants, ça n'existe pas ! Et puis il faut connaitre aussi l'échelle de ténacité et le phénomène d'accoutumance au parfum de chacun ; si quelqu'un trouve qu'Angel tient mal, là le level est haut par exemple.
Bien sûr, il est frustrant de ne pas avoir un parfum qui resterait d'un bout à l'autre de la journée, mais est-ce pour autant rédhibitoire ? La réponse est non, car ce qu'il y a de plus beau et de plus agréable dans un parfum léger et peu tenace, c'est bien souvent le départ, ou l'évanescence choisie par le parfumeur pour évoquer un propos, une histoire. Qui voudrait de la fragrance du vent dans un jardin sous la pluie, si concentré que ce serait une huile et dont l'odeur vous collerait encore même après trois douches ?
Et puis se re-parfumer dans la journée n'est pas inenvisageable, et encore moins une honte. C'est même plutôt sexy et signe d'élégance. Alors faisons fi de la tenue des parfums, lorsqu'elle n'est pas un souci vis à vis du prix (Oui oui, Brin de Réglisse et l'Eau de Cologne de Chanel, c'est vous que je regarde !). Portez ce qui est beau, et pas que ce qui tient sans faillir !


10/ "Je sature , il me faut des grains de café !"
source : http://www.saveurs-shop-concept.fr
A la manière des "poignets qu'il ne faut pas frotter pour ne pas casser les molécules" ou de "mettre des parfums chimiques c'est mauvais", l'utilisation des "grains de café pour nettoyer son nez et le remettre à zéro" est l'une de ces croyances légendaire comportant cependant une part de vérité. Mais au final, on ne sait plus ce qui est vrai ! Alors, véritables karsher olfactifs ces grains d'arabica ?
En tout cas, du karsher, oui, ça en a la puissance ! Mais alors question nettoyage des sinus, on repassera ! C'est plus encombrement du nez que remise à zéro.
En effet, des études scientifiques ont montré que le café n'a aucune propriété nettoyante du nez ou des muqueuses olfactives. En fait, il faut prendre le café comme un repère, comme un mètre étalon, pour revenir à une odeur que l'on connait et faire abstraction de tout ce qui a été senti. On pourrait très bien prendre autre chose, comme du poivre ou du thé...
Je conseillerais plutôt l'odeur du creux du bras ou bien d'un vêtement, car la puissance du café risque trop de fausser certaines notes subtiles qui pourraient être senties par la suite. L'odeur plus douce et personnelle de sa propre peau permet un retour en douceur vers une odeur étalon.
Il est impressionnant de voir combien de clients demandent d'eux même du café à sentir. Preuve que cette technique s'est rapidement répandue dans de nombreux points de vente. Difficile ensuite de démystifier cette croyance, tout comme rassurer le curieux en lui affirmant que oui, il peut sentir plus de TROIS parfums, que son nez en est capable, et que cette limite n'est qu'un chiffre qu'ont posé les grands distributeurs pour que plus vite il passe à la caisse. Le chiffre est toujours le même, partout, dans la bouche de toutes les vendeuses et de tous les conseillers. TROIS. Comme inscrit sur la façade du temple du Dieu Nociphorarionnaud : "Pas plus de 3 parfums tu sentiras", et que les grandes prêtresses fardées et lipstickées jusqu'aux oreilles récitent avec application.
Pour procéder au choix, dégrossissez en sentant tout (mais avec attention) puis repartez avec ceux qui vous ont le plus plu soit sur mouillette, soit sur peau, ou encore mieux, les deux, et revenez plus tard. Un parfum mérite d'être senti au calme et loin de l'atmosphère saturée des parfumeries (il n'y a pas de boites de grains de café assez grosses pour les dé-saturer !). Vous n'êtes pas pressés, et vous avez le droit de ne pas acheter tout de suite et surtout de revenir !


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Et vous ? Quelles sont les phrases les plus absurdes prononcées par des clients, que vous ayez entendu dans les rayons des parfumeries ? 
Je les ferai apparaitre dans une liste qui suivra ci-après, histoire que l'on continue de compiler ces perles !

L'Homme au parfum - Allez-vous retourner votre veste cet hiver ?

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Alpagué par Dau à la fin de son article sur sa sélection pour la saison froide, je dois, à mon tour, vous dresser la liste, non exhaustive des parfums qui m'accompagnent en ce moment, ou que j'aime porter et/ou conseiller par temps froid.
Je me suis dit qu'on pourrait rajouter un chapitre à la saga "L'homme au parfum" ! 

Après "Qu'est ce que je mets avec ma cravate ?" et "Chaleur, chaleur... Et si vous osiez le ton sur ton ?", penchons-nous maintenant sur la saison froide et ce qu'on l'on va pouvoir porter comme sillage pour accompagner manteaux et pull-over.
 Même sous 7 couches de tissus, écharpe et bonnet compris, affrontant bourrasques sur l'esplanade de la Défense, crachin glaçant lors d'un mauvais week-end à Tourcoing, ou chutes de neige à Cham', l'homme doit TOUJOURS sentir bon, beau et réfléchi. Le froid est une bonne raison supplémentaire pour laisser tomber un peu Terre d'Hermès et Bleu de Chanel.

Alors voici quelques idées d'associations, non exhaustives, et qui ne sont que des suggestions qui n'attendent qu'à être dépassées par votre propre sens du style :

Rustique mais pas si grossier - Duffle-coat et Tabac Blond (Caron)

Duffle-coat habillé, source: thetieguy.tumblr.com
Plus que le caban encore, le duffle-coat évoque plus clairement les origines navales de ces deux manteaux adaptés au grands froids et au vent. Sa laine épaisse, sa coupe droite, simple et large, ses boutonnières en chanvre parfois couplées de cuir, ses grande poches et sa capuche qui revient jusque sous le menton, trahissent un reste d'esprit roots et massif qui déridera n'importe quelle tenue bien trop stricte en faisant office de par-dessus, ou simplement pour remplacer un blazer ou une veste.

Et si l'on redonnait à cette laine épaisse quelques réminiscences olfactives d'un passé chargé des airs salins de l'océan, des fumés et des épices des cales, de l'odeur de tabac et de whisky des docks ?
Tabac Blond, de Caron, parfum d'allure brute est pourtant d'une élégance réfléchie, possède une beauté intrigante qui s'appuie sur son identité olfactive complètement hors du temps.
Il complètera à merveille, de ses volutes sèches de cuir épicé d’œillet, attendries par un tabac moelleux et à peine vanillé, le décalage entre ce vêtement historique, d'apparence dure et austère, et son détournement habile et habillé.
Un boisé cuiré épicé addictif au creux du col comme il ne s'en fait plus, à l'élégance certaine et à contre courant de toute la parfumerie moderne.
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Dans le même esprit : sorti en 2014 dans la ligne des exclusifs de la maison Dior, Cuir Cannage reprend les codes de Tabac Blond de façon plus musquée et plus fumée, accompagné d'un iris époustouflant en tête.


Jamais sans mes grosses mailles - Pull-over et Musc Ravageur (Frédéric Malle)

source : thetieguy.tumblr.com
Les pulls à grosses mailles, façon "tricoté par mamie" ont-ils vraiment été abandonnés à un moment ? Je ne suis pas sûr, en tous cas j'ai l'impression qu'ils sont revenus en force ces deux derniers hivers. Sans doute la faute à la hypstitude !
Col roulé, col châle très tendance, col rond, côtelé, mérinos...
Simplement avec un T-shirt à la maison, il peut facilement oser la cravate au bureau avec le col châle, ou même le nœud papillon sur un col rond.
Même si les formes sont diverses, ont l'aime pour une même raison : son réconfort et sa chaleur. Une valeur sûre !

Alors allons jusqu'au bout, allons dans le ton sur ton. Si c'est pour mettre un gros pull-over pour se vautrer dans la chaleur et le confort, jetons nous dans les bras d'un oriental douillet et moelleux, texturé à souhait mais pas dénué de références et de structure réfléchie. Sombrer dans la simple vanille et les résines criardes serait bien vulgaire et trop facile. J'ai dit "ton sur ton" mais pas "dénué de style" !
Musc Ravageur est de ces orientaux addictifs et emblématiques qui ne peuvent qu'attendrir par leurs notes régressives et rendre admiratif par leur construction qui les érigent en référence du genre, en chefs de famille. Digne descendant de Shalimar, le côté féminin de Musc Ravageur troublera votre sillage mais sera bien vite oublié par la chaleur de la cannelle qui embrase le cœur enrobé de muscs bien gras. La vanille, poudrée à souhait, rehaussée de quelque notes cosmétiques, de baumes et piquée de girofle et de lavande, trône bien sûr en majesté.
Une drogue au creux du coup, qui se savoure sur un épiderme servi brûlant ou dans un sillage que l'on arrive pas à saisir et qui nous échappe, frustré.
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Dans le même esprit : chez Atkinson, The Odd Fellow's Bouquet joue sur les mêmes codes, bien que plus chocolaté, en annonçant des notes de tabac et de miel. La différence majeure, pour moi, réside dans un départ plus "thé" et "orange cannelle", à l'esprit clairement hivernal.


Parfum parfait en perfecto - Perfecto et Bel Ami Vétiver (Hermès)

Perfecto - source : mensfashionn.tumblr.com
Une pièce de cuir, ça peut se revisiter à l'infini... en mode comme en parfum !
Et qui de mieux placé qu'Hermès pour réinventer son parfum masculin cuiré iconique pour le remettre sur le devant de la scène ?

Avec Bel AmiVétiver, Bel Ami enfile son Perfecto et ses Rangers pour passer devant l'objectif d'un Jean-Claude Ellena se prenant pour Petter Lindbergh.
Un cuir traditionnel dans les grandes lignes, mais revu et corrigé façon "parfumerie de niche moderne", voilà ce qui ressort de cet étonnant relooking. Plus intense, plus sombre, plus texturé, plus boisé et diffusif. Comme un cuir patiné et écorché, vieilli et craquelé, tellement inattendu mais qui aurait tout pour devenir tendance. Une vraie dose de rock'n roll à coup d'injection de testostérone, sans sombrer dans le masculin cliché ou le jus prépubère prétendant jouer sur le même registre transgressif (à coup de têtes de mort pailletées ou de mannequin maigrelets aux looks émo).

Cet hiver, Perfecto + Bel Ami Vétiver est l'équation parfaite pour ajouter une touche rock dans son look. Cette version "vétiver torréfié", issue d'une parfumerie masculine véritable qui nous manque tant sous toutes ces fougères métalliques proche de la parfumerie fonctionnelle, vous sortira des sentier battus et sera le parfum à la hauteur de la touche de cuir qui vous habillera.
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Dans le même esprit : un cuiré bien différent mais à l'esprit très "blouson en cuir et huile de vidange", For Him de Narciso Rodrigues sera tout aussi parfait. Plus roche de Bel Ami Vétiver, l'Ombre Indigo de Olfactive Studio joue sur les mêmes effets fumés et boisé, cachant en plus un cœur vibrant et carnassier de tubéreuse légèrement sucrée.


La sobriété rigoureuse se teinte de mystère - Caban et Serge Noire (Serge Lutens)

source : http://mensfashionn.tumblr.com
Droit, qu'il soit long ou court, noir, gris ou beige, avec ses lignes simples et droites comme taillées à la serpe, le caban a ce je-ne-sais-quoi d'élégant à coup sûr. Sans doute la faute à cette apparence de fourreau, que l'on peut remonter jusqu'aux oreilles et dans lequel on se glisse dès les premières rigueurs venues.
Une allure longiligne qui se teinte de mystère et de séduction dans ce drapé épais et rêche. Alors pourquoi ne pas aller dans ce sens, jusqu'au parfum contenu dans ces cols à revers ?

Serge Noire semble avoir été créé pour être porté avec un caban. Aussi sombre et d'apparence austère que le manteau en question, c'est l'encens et les épices froides qui retranscrive olfactivement l'élégance froide et rigide de la laine épaisse et longiligne, carrée. Pourtant, le cumin, la prune et le miel électrisent ce cœur charnel qui chauffe sous le tissus. Le fond offre un santal éthéré, ciselé de notes minérales et cendrées telle la richesse froide et austère d'une cathédrale gothique.

Un sillage atypique à glisser sous son col pour parfaire votre allure droite et mystérieuse, taillée dans la pierre et le santal.
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Dans le même esprit : trop atypique et puissant pour vous ce Serge Noire ? Alors allez voir du côté de L'Orpheline, toujours chez Serge Lutens. Dans le même esprit "minéral" et "tissus de laine épaisse", il se pose plutôt du côté patchouli et fougère déstructuré de la force, avec en plus une facette froide à souhait qui ne manquera pas de saisir aux tripes quiconque passera à la portée de votre sillage !
Envie de plus de chaleur ? Alors allez voir du côté de Coromandel chez Chanel...


Esprit champêtre façon grande bourgeoisie - Veste matelassée et Wazamba (Parfum d'Empire)

source : www.parfaitgentleman.com
La veste matelassée, certes plus appropriée à l'automne qu'à l'hiver, a depuis quelques années fait son apparition dans la garde robe quotidienne des hommes. Sans doute la faute à un banquier-trader-homme d'affaire qui, en entrant de son week-end chasse-à-courre à la campagne, avait oublié de l'enlever en allant au bureau ! Apparemment ça a fait son effet, mais sans avoir réussi encore à faire oublier l'étiquette "Versaillais bonjour".

 Quoiqu'il en soit, cette petite veste fine, ajustée près du corps, reste bien plus élégante et appréciable que le haut de survêtement. Qui en aurait douté ?

Alors pour ce look de facture classique et bonne famille, cassons le avec un parfum caractériel et puissant. Wazamba s'ouvre sur une rasade fusante d'alcool de pomme, comme un shot de calva qui met le feu aux poudres. Alors s'embrase l'encens et autres résines sacrées en une onde électrisante portée par les bois ambrés qui assurent une puissance de diffusion efficace. Boisé, fumé, cuiré, résineux... serait-ce les restes des odeurs de ce week-end au manoir de famille ?
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Dans le même esprit : réminiscences d'un week-end à la campagne, dans la forêt, et parfum boisé de caractère gorgé de mousses, de vétiver et d'épices, Vétiver Extraordinaire est une alternative plus sage et discrète, plus convenue ici, dirons-nous. Plus tradi, plus déjà-vu, mais époustouflant à chaque fois qu'on le redécouvre.






Passage d'Enfer, L'Artisan Parfumeur - Se laisser aller dans les limbes de l'encens Giacobettin...

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 PASSAGE D'ENFER fait partie des plus belles créations d'Olivia Giacobetti pour l'Artisan Parfumeur. Cette subtile alliance de notes contradictoires, finement fondues les unes aux autres, élève le talent de la parfumeuse au rang de génie pour un parfum emblématique.





"Il doit bien y avoir un moyen de s'échapper de cet enfer... 
il y en a sûrement un, en dehors du sommeil et des rêves..."
[Hugo Pratt]







Associer des fleurs à l'encens est une chose très délicate. Mais allier le végétal et le minéral semble ne pas faire peur à Olivia Gicaobetti. Passage d'Enfer en est la preuve.
Comme à chacune de ses créations, elle nous livre un récit poétique, touchant et tendre. On y retrouve des thèmes bucoliques et naturalistes, récurrents par touches ou par grands aplats, condensés en une atmosphère éblouissante de justesse. Suggérer plutôt que reproduire note par note, tel est son secret. 

Ici, l'encens est loin d'être dur et métallique. Montant à la verticale en dessinant d'amples arabesques, il trace une croix dans l'atmosphère en passant à travers la masse vaporeuse et horizontale du musc blanc. Il se fait léger et cotonneux comme une fumée blanche et épaisse. Insaisissable et pourtant présent, à l'image d'un souvenir, tendre et impénétrable, comme un bout de mémoire livré en flacon et dont le jeu est de l'interpréter. Je me suis prêté au jeu :


source : pixabay.com
Les portes de la petite église sont ouvertes sur une vive lumière d'un jaune tendre ; derrière s'étend la campagne, le printemps et les bosquets frissonnants dans l'air tiède. A l'intérieur, le silence est écrasant mais la fraicheur ambiante si bienvenue. Elle s'y aventure.

Le tintement de l'encensoir céleste répond aux fleurs de tilleul, d'oranger, de chèvrefeuille et de mimosa qui dansent au vent. Les volutes enlaçantes se sont entrelacées aux dentelles d'un pétale blanc tombé sur le marbre des marches de l'autel. Elle le saisit délicatement entre la pulpe de ses doigts, en respire son doux parfum. Le souffle crémeux et tendre d'une fleur virginale se mêle aux derniers relents de cire chaude des cierges qui viennent de rendre leur dernière flamme dans un hoquet silencieux. L'odeur caractéristique de la bougie éteinte flotte encore dans l'air autour de sa robe blanche, en coton, portée par le claquement de ses sandales vernies qui résonnent sur les dalles. 
Elle sent déjà sur ses vêtement, s'imprimer le parfum de ce lieu empreint de mysticisme. Ce qu'elle préfère, c'est l'odeur de renfermé, un peu humide, un peu moussue, un peu minérale, qui se mêle au scintillement des muscs de la lessive qu'utilise sa mère.


Cette ambiance, elle la trouve reposante. 
Plus tard, elle s'en souviendra comme méditative. Inspirante aussi. Mais pour l'instant elle savoure chacune des molécules qui s'aventurent à la portée de son nez. Cette bulle spirituelle, ni chaude, ni froide, ressemble à la sensation d'un châle jeté sur les épaules. Un châle protecteur dans lequel on peut se laisser sombrer, qui nous rend invisible et dans lequel on peut disparaitre le temps de se laisser aller à nos pensées. 
Déconnexion. 

Passage d'Enfer, L'Artisan Parfumeur - crédit photo : Musque-Moi


[Coup de Coeur] Misia, Chanel - Ça cocotte chez Mademoiselle !

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OLIVIER POLGE signe son premier parfum pour la maison Chanel.  Inspiré par Misia Sert, la meilleure amie de Mademoiselle, mais aussi muse de peintres, compositeurs et poètes, il évoque le Paris artistique et doré de 1920.
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Ce parfum se devait donc d'évoquer les années folles, mais à la façon Chanel : une élégance certaine, voyante mais pas tapageuse, une profusion de matières mais sans compromis sur leur qualité et leur travail, ciselées au millimètre.
L'explosion de matières, justement, toutes plus opulentes les unes que les autres, peut surprendre pour un parfum Chanel. La rose, en essence et en absolue, rugit dès la tête par ses notes les plus fruitées et les plus soufrées. La violette en surdose en poursuit l'aspect fruits rouges, se balançant entre framboise, cerise et cassis. Elle fait le lien avec l'iris, de Grasse s'il vous plait, abondant et poudré à souhait, qui structure la fragrance par un jeu de corset très justement serré, ni trop, ni trop peu.

Misia, Chanel - photo : Musque-Moi !

On pourrait craindre, avec une telle dose de naturels dont il est gavé (notamment la rose), que le parfum, dans son envol majestueux, se prenne les pieds dans le tapis et s'écrase dans des notes acides et aigrelettes. On en est bien loin !
Les ionones (notes de fleur de violette) et les irones (notes violette/iris) sont si généreusement (sur)dosées qu'elles apportent un lustre à la composition, une brillance aveuglante qui gomme les facettes les plus acides et instables de la rose naturelle lorsqu'elle est utilisée en grandes quantités.

On pourrait craindre aussi une dose de notes vanillées et amandées, certes nécessaire mais souvent poussée à l'extrême dans les accords de ce genre, alourdissant ainsi la composition en une poudre compacte et indigeste. Ce n'est pas le cas non plus ici ! La pointe de vanille et la touche de tonka apportent juste ce qu'il faut de profondeur, d'épaisseur, de tenue et de texture. C'est ce qui caractérise entre autres les parfums Chanel : des notes baumées très justement dosées qui se fondent dans les muscs.
Misia, Chanel - Musque-Moi !
S'il est difficile de parler de "réinterprétation plus moderne" de l'accord cosmétique rose-violette, on peut néanmoins dire qu'Olivier Polge dépoussière le genre.
Sur le fil et très bien construit, à la fois en générosité et en retenue, il ne tombe pas dans les facilités trop poudrées ou vanillées d'un Lipstick Rose (Frédéric Malle), trop fruitées d'un French Kiss(Guerlain) ou à la limite de l'écœurement comme dans Putain des Palaces (État Libre d'Orange).Trois parfums que j'estime, par ailleurs.
Il dessine les traits plutôt altiers de ce qu'a été Le Dix, de Balenciaga, une triste perte de la parfumerie !

Sous l'esquisse d'un trait de lipstick, une manche en soie dévoile une épaule à la peau de pêche et colore des joues d'une teinte rose-framboise.
Lorsque Misia pose ses doigts sur les touches ivoire de son piano, ce sont des notes de violette, cristallines et pures, qui tintent, acidulées et espiègles comme une coupe de champagne. Pétillante et désinvolte.

Une structure fruitée, fantôme d'un Champagne (justement !) d'Yves Saint Laurent, vient complexifier et texturer le parfum dès la tête. Une impression de mousse acidulée, aux notes de pêche et de lie de vin, qui apporte du caractère et souligne cette ambiance de mondanités perdues dans les loges d'un opéra après le spectacle. Effusions de rires, de plumes, de poudres et de fourrures.

Misia, c'est l'alliance d'un accord traditionnel additionné de cette aura Chanel : une luminosité savamment dosée et des matériaux nobles taillés sur mesure avec une classe singulière.
Il en résulte un parfum fourrure comme il se doit, digne descendant du N°5 ou du N°22, sans qu'ils partagent pourtant de filiation olfactive. Tout est dans la texture et dans le rendu : une boule enveloppante dans laquelle il fait bon se lover, et un puissance respectable qui souligne parfaitement le sillage, diffus et radieux. L'iris y est à la fois satiné, duveteux et charnel. Il fond sur peau délicatement à la manière d'Infusion d'Iris (Prada), dans un subtil jeu de "faux-propre" lorsqu'il se mêle aux muscs très "peau".

Misia, Chanel - Photo : Musque-Moi !

Bien sûr, je n'ai pas été difficile à convaincre, en véritable adepte de la violette que je suis. Cependant, je suis très exigeant en la matière !
Depuis quelques années je cherche une violette de caractère, travaillée, texturée, ni trop mièvre, ni trop éloignée de la fleur originelle. Je n'ai jamais réussi à assouvir ce désir. Avec Misia, le coup de foudre a été immédiat. Quand on me l'a présentée, il était évident que j'avais sous le nez ce que j'attendais depuis des années. Cela indépendamment du fait qu'Olivier Polge inaugure avec brio cette entrée dans la maison Chanel.
Bravo monsieur !


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De la nécessité de la chimie en parfumerie...

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Dans l'inconscient collectif, "chimie" = "mauvais". Pourtant, la chimie est ce qui nous fait vivre (avec les principes fondamentaux de son double : la physique). Elle est à la base de tout, puisque chaque molécule qui nous constitue représente en soi une part de chimie. C'est elle qui nous soigne, nous habille, mais aussi, de façon plus primaire, c'est elle qui est à la base de nos fonctions vitales (respiration, neurotransmission, défenses immunitaires...).
Bien sûr, la chimie n'a pas que du bon. Elle peut produire les molécules les plus bénéfiques qui soient, parfois responsables des odeurs les plus agréables, comme produire les poisons les plus mortels. Comme une force indomptable, elle peut se retourner contre celui qui croit pouvoir la maitriser ; les  problèmes environnementaux en sont une preuve.
Vanilline
La diabolisation de cette science dans la vie courante est une conséquence certaine d'une industrialisation massive qui a vu utiliser la chimie, la synthèse, pour produire vite et à moindre coûts depuis la seconde moitié du siècle dernier. Avec la montée d'une certaine prise de conscience de la population face aux risques sanitaires et environnementaux, la chimie a été pointée du doigt à juste titre dans certains domaines, mais en contre partie en a fait souffrir d'autres l'utilisant. Le parfum en fait partie.

Il est intéressant de voir en quoi la chimie est bénéfique à la parfumerie, c'est pourquoi je vais tenter de vous expliquer, dans les grandes lignes, comment elle a accompagné, transformé, marqué voire révolutionné cette dernière.



I- Pourquoi de la chimie dans les parfums ?

Comme je le disais dans l'article "Le client en parfumerie, recueil et florilège", il ne se passe pas un jour sans qu'un vendeur en parfumerie entende un client poser la sempiternelle question "dites-moi, vos parfums, ils sont entièrement composés de matériaux naturels n'est ce pas ?". Une question sous entendant une réponse qui sonne comme une évidence : les grandes maisons de parfum actuelles utilisent les matières les plus belles, issues de la nature, et uniquement ça, sans additifs synthétiques. Il faut dire que les marques se tirent une balle dans le pied depuis quelques années en évoquant dans leurs discours marketing des matières naturelles à outrance, toujours plus enjolivées au travers des appellations pompeuses et ridicules. Cela couplé à la manie de mettre des dénominations "au naturel" pour des molécules purement synthétiques (ainsi le cashmeran devient du "bois de Cashmere" dans les pyramides olfactives) et des vendeuses formées à prétendre que les parfums qu'elles vendent ne sont constitués que des plus belles essences naturelles, et vous obtenez un consommateur qui pense qu'un bon parfum est obligatoirement un parfum 100% naturel. Ne parlons même pas du bio...

Certes, tant qu'on ne vous l'a pas expliqué, il n'est pas évident que le parfum a besoin des molécules de synthèse, et donc de la chimie, pour exister. D'ailleurs, l'essence même du parfum, les molécules odorantes, sont une conséquence directe de la chimie des plantes. C'est pourquoi en parfumerie on va retrouver deux types de molécules de synthèse utilisées par les parfumeurs :

- les molécules identiques au naturel : existantes dans les essences et absolues de plantes et de bois, ou émisent naturellement par les végétaux ou les animaux, elles peuvent être obtenues artificiellement par synthèse en laboratoire ou isolées à partir d'extraits naturels.
Exemples : linalol dans la bergamote, citronellol dans la rose, citral dans la verveine et le citron...

- les molécules artificielles : créées de toutes pièces par l'homme dans un laboratoire, souvent à partir de molécules naturelles, on ne les croisera jamais à l'état naturel. Cependant, elles peuvent quand même évoquer des odeurs présentent dans la nature, comme les embruns marins ou des notes florales.
Exemples : Cashmeran, Hédione; AmberXtrême, Iso E Super, Galaxolide...

L'utilisation de ces deux types de molécules, en plus des matières premières naturelles, est nécessaire pour des raisons techniques précises. Les premières, accessoirisées des secondes, servent à recomposer artificiellement les essences naturelles pour ne pas les utiliser ou en réduire leur utilisation, en vue d'abaisser le prix d'une formule ou par souci de disponibilité. En effet, certains naturels sont disponibles en si petites quantités qu'ils ne parviendraient pas à fournir la production nécessaire à la vente de flacons s'écoulant par dizaines de milliers à travers le monde. Elles permettent aussi d'équilibrer les naturels d'une production à l'autre, et donc d'une année sur l'autre, pour assurer la stabilité olfactive d'un parfum.
Les secondes apportent des facettes et des notes inédites aux parfums, du jamais senti dans la nature ou des odeurs que l'on ne pouvait extraire.
Enfin, ces deux types de molécules servent à sublimer les matières premières naturelles, et c'est sans doute là leur utilisation la plus importante. "Les parfums ont besoin d'une part de chimie" nous raconte Valérie Demars, créatrice de la marque Aimé de Mars proposant des fragrances privilégiant un maximum de matières naturelles. "Dans mes parfums, je laisse une part de synthétiques à hauteur de 5% car c'est ce qui les fait vivre et assure une bonne tenue sur peau. On ne peut s'en passer !".

Rose et Parfums
Il faut replacer le contexte olfactif des matières naturelles pour comprendre un peu mieux cela : les essences et absolus, obtenus par distillation (encore de la chimie !) à la vapeur d'eau ou aux solvants volatils à partir de fleurs, de bois ou de graines, sont des concentrés purs d'éléments odorants. Riches, puissants, ils peuvent être plus ou moins coûteux selon leur rareté et leur procédés d'obtention. Malgré toute la beauté de ces extraits naturels, il réside en eux quelque chose de sauvage, de dur, parfois même de laid. Une part d'indomptable, un aspect rebelle, comme si la plante avait souillé son essence pour qu'on ne puisse pas lui voler son parfum. En effet, si vous avez déjà eu la chance de sentir des essences naturelles, vous vous êtes sans doute rendu compte qu'elles ne retranscrivent pas (ou rarement) note pour note le parfum in vivo des fleurs. Cela est du justement à l'extraction qui emmène avec elle les molécules odorantes naturellement volatiles dans le parfum des fleurs, mais également toute une ribambelle d'autres molécules que l'on ne sent habituellement pas lorsqu'on se penche au dessus d'une fleur pour y respirer son parfum. Par exemple, une essence de rose, sous son magnifique aspect floral, suave et fruité, renferme des notes bouillis, butyriques et acides. Le travail du parfumeur est donc de sublimer les facettes les plus belles en masquant les aspect les plus bruts et les plus indésirables de ces matériaux naturels, et ce grâce aux molécules de synthèse.
Enrichir l'essence de rose de molécules déjà présentes dedans à l'état naturel (citronellol, géraniol, et leurs acétates entre autres), ou par adjonction de molécules synthétiques (rosacétol, magnolan, acétate de styrallyle...) lui donnera une âme, pourra la déformer de façon intéressante ou même créer un twist au sein même de son identité olfactive originelle. On en fera une rose plus fraiche, plus juvénile, ou bien plus épanouie, miellée, voire fanée. En appliquant cette méthode d'ajout de matières premières de synthèse, on pourra parler d'assaisonnement, pour faire une comparaison simple.
C'est ce qu'a fait Christopher Sheldrake pour Serge Lutens dans Tubéreuse Criminelle en poussant au maximum la note médicinale, méthylée, naturellement présente dans la fleur de tubéreuse. C'est exactement ce même procédé dont s'est servi Maurice Roucel, toujours chez Serge Lutens, pour booster l'iris et le magnifier dans Iris Silver Mist. Les exemples sont nombreux, mais c'est en fait dans ce genre de traitement en solinote qu'il est le plus facile à comprendre.

Les molécules de synthèse servent aussi à apporter des qualités techniques aux parfums, telles la tenue et la diffusion ; en remplacement des matières animales naturelles maintenant interdites ou trop rares et donc chères, ou pour répondre à des goûts plus modernes de la part des consommateurs. Elles assurent une meilleure tenue du parfum, une qualité qui manquerait à une fragrance entièrement naturelle. Elles le structurent, le tiennent, le rendent stable du papier à la peau et selon la température, et permettent même de reconstruire des odeurs inédites impossibles à extraire, comme le parfums du lilas, du muguet, ou celle des embruns marins.
Chanel N°5



II- Chimistoire

Depuis la fin du 19ème siècle, la chimie n'a eu de cesse d'enrichir la palette du parfumeur. D'abord grâce à l'identification de molécules présentent dans la nature, obtenues ensuite de façon synthétique en laboratoire, puis par l'invention de molécules purement de synthèse, comme expliqué précédemment.
En reprenant toute la généalogie du parfum, les succès et les créations mythiques à travers plus d'un siècle, on se rend compte que bien souvent la chimie et ses découvertes se cache derrière les grandes révolutions olfactives qui ont jalonné l'industrie. Plus encore, c'est en partie elle qui a permis de démocratiser le parfum, et c'est elle qui instaure l'aire moderne de la parfumerie : se détacher des création purement naturelle et naturaliste, et entrer dans des démarches plus artistiques, plus abstraites. Derrière beaucoup de grands noms de parfums se cache la découverte ou la première utilisation majeure d'une nouvelle molécule. Ces molécules peuvent insuffler des tendances, des courants de créations et marquent la généalogie des parfums en différentes périodes facilement identifiables. Mais elles semblent surtout assurer la pérennité, du nom ou du flacon plus ou moins haut sur les étagères des Séphora, des parfums qui les utilisent pour la première fois.

Voici quelques exemples de molécules associées à leur supposée première utilisation en parfumerie :

La Coumarine (1868) : Fougère Royale, Houbigant 1882 - Jicky, Guerlain 1889

La Vanilline (1877) :  Ambre Antique, Coty 1905 - Jicky, Guerlain 1889

L'Isobutylquinoléine (1880) : Bandit, Piquet (1944)

Les Ionones (1893) : Vera Violette, Roger et Gallet (1893)

L'Aldéhyde C12 MNA (1902) : N°5, Chanel (1921)

L'Hydroxycitronellal (1908) : Quelques Fleurs, Houbigant (1912)

L'Aldéhyde C14 (1908) : Mitsouko, Guerlain (1919)

L'Ethyl Vanilline (1920) : Shalimar,Guerlain (1925)

Le Dihydromyrcénol (1950) : Cool Water, Davidoff (1988)

L'Hédione (1965) : Eau Sauvage, Dior (1966)

La Galaxolide (1965) :Mûre et Musc, L'artisan Parfumeur (1978)

L'Ethylmaltol (1969) : Vanilia, L'artisan Parfumeur (1978)

Le Cashmeran (1970) : Alien, Thierry Mugler (2005)

La Calone (1974) : New West for her, Aramis (1988)


Si ces molécules ont marqué le passé en allant parfois même jusqu'à se trouver nécessaires à l'élaboration de certains schémas types (comme les aldéhydes pour la famille des parfums fleuris aldéhydes) , le présent n'est pas en reste. En effet, on note actuellement l'emploi abondant de deux molécules qui semblent être les nouvelles éthyl-vanilline et aldéhydes du 21ème siècle. Elles marquent profondément la parfumerie actuelle en se retrouvant dans la plupart des best sellers de ces dernières années, jusqu'à laisser penser que ce sont leurs qualités olfactives intrinsèques qui assurent le succès d'un parfum (couplé à un marketing du tonnerre !).
Je veux bien sûr parler de l'éthyl maltol et des bois ambrés (karanal, okoumal, cedramber, amberXtrême...).
Le premier est une note gourmande, entre le caramel et le biscuit, et d'une tenue extraordinaire. Il sert à créer cette note de caramel et de barbe à papa bien collante et poisseuse des parfums gourmands tels La Vie est Belle ou La Nuit Trésor. Cette molécule explose actuellement avec la tendance des parfums alimentaire aux notes de biscuit et de bonbons.
Les seconds (les fameux "bois qui piquent") ont un pouvoir de diffusion et la puissance d'un souffle nucléaire, et une tenue atomique alliant des notes boisées piquantes et des notes d'ambre gris.Ils ont fait la puissance de One Million, Invictus ou encore Armani Code.

Ôde à l'éthyl maltol

Comment donc mettre une croix sur la chimie, ou plutôt sur les molécules de synthèse, dans les parfums ? La chimie est indissociable du parfum et "la parfumerie moderne, c’est la rencontre de la mode, de la chimie et du commerce" notait déjà Madame de Staël au début du XIX siècle. Certes, des progrès considérables dans le domaine ont été faits depuis, mais avec les nouvelles techniques d'extraction et d'analyse, de belles choses sont encore à découvrir. Comme le disait déjà Ernest Beaux en 1921 : "l’avenir de la parfumerie est entre les mains des chimistes...". Alors même si la tendance est au vert, à l'écologie et au 100% naturel, cela n'empêche pas de croire en la chimie, et dans les laboratoires d'aujourd'hui se créent déjà les molécules qui feront nos parfums de demain.


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Musque-Moi fête ses 3 ans - Tirage au sort

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Trois ans, ce n'est pas rien pour un blog.
C'est le temps qu'il faut, je pense, pour faire son nid et prendre ses marques. C'est le moment où l'on commence à se faire plaisir en sachant comment aborder les choses, car c'est le temps qu'il aura fallu pour découvrir de belles choses, faire de belles rencontre et, vous ne vous en doutez peut être pas, se prendre aussi de belles claques et être mainte fois déçu par la profession.
Bien heureusement, les belles rencontres et les beaux projets sont plus nombreux que le reste, et heureusement ! L'émerveillement et la découverte constante permettent d'effacer le reste. Oublier par exemple que Musque-Moi a failli fermer ses portes tout comme j'ai failli voir se fermer toutes les portes de mon avenir professionnel il y a un an, pour un malheureux article dénonciateur. Eh oui, ils sont comme ça dans la parfumerie, ça rigole pas ! Bref, passons... On dira que c'est formateur, révélateur, que ça sert de leçon pour ne s'attarder que sur ce qui se fait de mieux, et qu'il ne sert à rien de se pencher sur ce qui n'en vaut pas la peine.


Musque-Moi

Mais cet article, c'est avant tout pour vous remercier VOUS !
Vous chères lectrices et chers lecteurs, qui me lisez et me suivez toujours plus nombreux. Vous qui me motivez, par vos petits mots publiques, en commentaire et sur la page Facebook, ou en privé, par mail ou en face à face lorsque par chance on arrive à se croiser.

Alors je souffle vite sur les trois bougies de Musque-Moi pour oublier ce temps qui passe si vite pour vous mettre à l'honneur, mes petits rats musqués. Parce que pour cet anniversaire, c'est bien vous qui allez être gâtés !

Vous êtes curieux de savoir de quoi il s'agit ? 
Très bien, alors voilà :


Grâce à Parfum d'Empire, vous allez pouvoir remporter un flacon 100mL 
du magnifique et non moins troublant Musc Tonkin en eau de parfum, 
chef d’œuvre du talentueux Marc Antoine Corticchiato

Musc Tonkin fait rugir... véridique !

Pour cela, il vous suffit de laisser ici un commentaire pour me raconter tout simplement quel est pour vous la plus troublante et envoûtante des odeurs (ou des parfums !), et pourquoi.
Je procèderai ensuite à un tirage au sort le samedi 4 avril à 20h pour désigner l'heureux gagnant.

Alors à vos plumes... Prêts... Racontez !
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RÉSULTAT :

Tirage au sort sur petits papiers, avec une magnifique calligraphie, admirez le "C" !

C'est Clara qui remporte le flacon de Musc Tonkin, après tirage au sort par ma main innocente !

Bravo à elle, encore merci à Marc Antoine Corticchiato et Fabienne Rossi de m'avoir permis d'organiser ce tirage au sort et de vous gâter. Et surtout, merci à tous les participants.


[Coup de Coeur] B., Balenciaga - Green épidermique...

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LE DERNIER NÉ DES PARFUMS BALENCIAGA met le vert en verre. Végétal structuré et printemps déstructuré, dans un flacon givré dont la surface à la douceur piquante me fait frissonner des doigts jusque dans l'échine de fourmillements qui me rappellent ceux qui me montent le long des jambes lorsque je suis au bord du vide, tiraillé entre l'envie de plonger en avant ou l'envie de bondir en arrière. Mais avec B. Balenciaga, c'est sans edamame (*), euh... pardon... sans état d'âme, que je me laisse tomber en avant dans ce bol de vert.

B. Balenciaga
L'ouverture se fait sur une giclée de sève verte, sur une corbeille de fruits verts et acides, pas encore mûrs, sur une chair de raisin blanc et de kiwi juteux à souhait que m'évoque inévitablement l'undecavertol, ici utilisé en grandes quantités. S'en suit une pulpe de pêche blanche dont on perçoit encore le duveteux de la peau qui l'habille et dont les facette les plus lactées font un pont vers (vert ?) une feuille de figuier râpeuse et tiède. A la manière des anciens parfums verts, le cœur de B. Balenciaga se fleurit subtilement. Une fleur blanche particulièrement bienvenue dans le tableau, aux accents rosés, se faisant passer pour un muguet, attendrit le parfum par ses pétales charnus mais délicats.
Une feuille de violette, au vert foncé et plus amer, assombrit la composition. Cette note pourrait presque faire écho au mythique Dix, et à son digne descendant Balenciaga avec sa violette signée Olivier Polge.
Le bois sec et râpeux du cèdre de Virginie, les muscs et le cashmeran, matière phare de chez IFF, assèchent la structure pour garder une piquante arrogance verte presque austère, amplifiée et rendue puissante et diffusive par une touche de bois ambrés très justement dosée (bravo !). 

Derrière ce jus au teint de pêche, qui aurait pu imaginer trouver un parfum issu d'une famille aussi délaissée, dénigrée par la parfumerie de masse actuelle, que les "verts" ? Cette couleur carnée marque encore plus le contraste d'un jus à contre-courant ; à la manière du bleu d'Angel.
Cependant, ce choix n'est pas idiot. Car sous cette sève âcre, orchestrée des mains de designers modernes, Domitille Bertier et Alexander Wang, sous la coupe structurée d'une maison empreinte des souvenirs d'une Espagne catholique austère qui marqua son créateur, se cache un fond magnétique et vibrant, un parfum à savourer à fleur de peau. Il rayonne, pulse et ondoie sur peau grâce à ses bois modernes, et devient charnel, épais et chaud de par les notes lactées, à peine vanillées, d'une figue contemporaine pas écœurante. Ces notes plus rondes en font un vert qui se fond sur l'épiderme. qui fait corps avec, sans jouer les parfums accessoires trop artificiels aussi seyants qu'un K-Way détrempé. Un vert épidermique et électrique sous acide.

B. Balenciaga - Musque-Moi !

Quel pari audacieux que de lancer un parfum vert sur le marché hostile de la parfumerie grand public actuelle ! En directeur artistique, Alexander Wang s'annonce comme le digne successeur de Nicolas Ghesquière.
Après Balenciaga, Florabotanica, et Rosabotanica, B. Balenciaga ne fait que confirmer le parti prix olfactif marqué et de la maison Balenciaga, à la manière d'un Prada, d'un Narciso Rodriguez ou d'un Bottega Veneta qui s'illustrent par des créations intelligentes, soignées et/ou à contre-courant.


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* L'edamame est une fève de soja, consommée verte au Japon et en Corée, et qui a inspiré Domitille Bertier pour créer B.

Figue Amère, Miller Harris - Piqûre d'Endorfigue

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LYN HARRIS aime évoquer les souvenirs, et plus particulièrement les souvenirs d'enfance, notamment ceux liés aux atmosphères de jardins, de lieux ou de moments choisis. Pour preuve sa dernière collection de trois parfums baptisée "Le Jardin d'Enfance" où se concentrent ses réminiscences des jardins chers à son cœur et les délices olfactifs qu'elle y a découvert.
Et avec moi, ça marche !


Figue Amère, Miller Harris - Musque-Moi !
Particulièrement sensible à ces évocations, il en faut peu pour me séduire lorsqu'il est question de jardin et de retranscription de nature. A condition que le rendu soit esthétique et sente beau, bien évidemment !
Après La Pluie, qui m'a profondément touché et ému et qui m'a fait comprendre l'univers de Miller Harris et sa parfumerie à l'écriture singulière, c'est l'une de ses créations datant de 2002 qui a retenu mon attention : Figue Amère.

Touché droit au cœur. Peut être parce que ce n'est pas vraiment une figue !

La figue est une note que je trouve particulièrement belle, agréable et évocatrice d'atmosphères reposantes. Cependant, je n'arrive pas à la porter et je ne la supporte qu'en parfum d'ambiance. En en parlant autour de moi, je me suis rendu compte que pas mal de personnes sont du même avis. Avec Figue Amère, cependant, je n'ai pas eu ce problème, et bien au contraire : je me suis senti partir dans des souvenirs d'enfance.

Vous savez, ce souvenir tout simple, lié à un moment qui n'a rien d'exceptionnel dans la forme, mais qui est riche et stimulant sur le fond. Ce moment de félicitée que l'on aimerait revivre encore et encore, tant il est délicieux. On voudrait arrêter le temps, s'accrocher à ce lieu et à cet instant indéfiniment, pouvoir le retrouver à tout moment et y replonger la tête la première. Cette petite injection d'endorphine, si jouissive à retrouver quand on croyait l'avoir oublié.

Figue Amère est pour moi ce genre d'instant.
J'y vois mon jardin, loin du quel je suis retenu depuis bien trop longtemps.
Imaginez l'été chaud et sec, ces journées où la seule chose à faire et de trainer sa carcasse épuisée par la température entre un coin d'ombre dehors sur la terrasse et la fraicheur de la maison plongée dans la pénombre des volets fermés pour garder une atmosphère vivable.

Dans un coin du jardin.
Nous somme en juin, et avant que le jardin s'embrase sous le soleil de midi, il faut profiter de la fraicheur du petit matin pour aller cueillir dans le fond du jardin les cassis et les groseilles qui se gonflent d'eau et de sucre et qui seront transformés, au choix, en sirop ou en confiture.

L'endroit est particulièrement jouissif à cette époque de l'année : ce recoin du jardin garde la fraicheur sur des lits de mousse fraiche et d'herbes folles. Y poussent quelques fleurs oubliées. S'y cachent quelques moineaux à la recherche des fraises des bois qui y mûrissent timidement.
Au moindre frôlement, les feuilles des cassissiers diffusent leur odeur si particulière, fruitée et amère, un peu soufrée. Elle se mêle au parfum vert et âpre les feuillages environnants d'une nature qui frémit à l'idée de supporter encore la chaleur à venir.
Tandis que mes doigts cherchent les dernières baies entres les branches encore mouillées de rosée, dans mon cou ma peau chauffe déjà et je peux deviner son odeur salée que j'aime tant, synonyme pour moi de farniente au soleil. Les derniers iris en fleurs ne tiendront pas longtemps sous les rayons plombant de cet après midi. On sent déjà poindre au loin l'odeur minérale et sèche de la terre battue du jardin qui s'échauffe et le parfum sucré des roses qui poussent leurs derniers souffles.

Figue Amère pour moi c'est ça. Une promenade au jardin, sur un moment d'entre-deux. Un contraste fais/chaud. Une odeur de vacances et d'été. Une figue qui n'en est pas une.

A savourer dès l'arrivée des beaux jours !


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Vacances Réédition 2015, Jean Patou - La clé des champs...

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VACANCES est une fragrance mythique auprès des passionnés. Créée originellement en 1936 par Hernri Almeras, ce parfum célébrant les congés payés a été réédité sous le nez et les pipettes de Jean Kerléo en 1980 dans "Ma Collection" avant d'être de nouveau arrêté puis ré-édité cette année par Thomas Fontaine pour la Collection Héritage de la maison Jean Patou, aux côtés de Colony et de L'Heure Attendue.

Vacances, Jean Patou - photo Musque-Moi !


Si Chaldée, plus mythique encore, évoquait les huiles solaires de l'époque, l'odeur du sable et de la peau au soleil, exaltant les plus charnels fumets, l'ambiance qu'évoque Vacances est tout autre !
Moins estivale, moins bord de mer...

Il faut imaginer l'arrivée des beaux jours, aux portes de l'été. Les jardins qui se chargent de fleurs, le ciel où domine le soleil et l'air qui s'emplit d'insouciance. Les dernières jacinthes exhalent leur visqueux et toxique parfum entre les branches des premiers lilas poudrés d'héliotrope qui se mêlent aux premiers foins et à la douceur caressante du tilleul. Angélique, innocent et insouciant est le bouquet bucolique de Vacances, mais pourtant rien de trop propre : les fleurs sont grasses et un peu sales, et l'accord œillet inévitable. Il vient piquer le bouquet d'une épice poudrée et piquante et le draper d'un voile délicatement rétro.
Cet accord très cosmétique sera repris dans de nombreuses crèmes par la suite, ce qui évoquera sans doute à plus d'un quelques produits pour le corps, ou encore pour bébés. Mais sa touche aldéhydée et ses notes vertes ne le rendent pas si simple et passe partout. D'un charme ultra-classique, c'est plus chignon et robe "Bonbon" pour un mariage à la campagne près de Deauville, que paréo et maillot de bain deux pièces sur la côte !

Vacances, Jean Patou - photo Musque-Moi !
Mais quand elle est à la campagne, la jeune fille de bonne famille devient un peu sauvageonne.
Prendre la clé des champs et lancer à toute allure sa bicyclette sur les chemins de campagne, en direction du soleil sur les routes bordées de platanes. Le soleil qui clignote entre les feuilles qui se balancent au vent et l'électrisante sensation d'enfreindre les règles. Foulard au vent et chapeau brinquebalant ; courser le temps qui s'enfuit trop vite sur les collines caressées par la brise tiède du jour qui s'étire. Respirer ce doux parfum sucré et nostalgique de cette route qu'elle connait par cœur et qui la mène de village en village, perdus entre les arbres en fleurs, vers ce garçon qui ne restera par la suite qu'un amour de jeunesse.
Le temps passe, les images se floutent mais les parfums, comme les souvenirs, restent. Ceux des lilas, du tilleul, de la campagne et de son souffle dans le cou.

Nostalgie ou mélancolie ?
Il y a eu Après l'Ondée, et il y a eu Vacances...


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