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[Fiche Matière] Introduction et réflexions...

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Connaitre les matières premières n'est pas une nécessité pour apprécier un parfum. Les citer n'est pas non plus une obligation pour être capable d'en parler. J'ai longtemps hésité à lancer cette nouvelle catégorie d'articles, car je m'interrogeais sur son utilité ainsi que sur le succès qu'elle rencontrerait ou non auprès de mes lecteurs... 

Cependant, connaitre molécules chimiques, huiles essentielles, résinoïdes et autres absolus est complémentaires à la maitrise de l'évaluation olfactive globale d'un parfum, de son rendu final. Cette connaissance n'est pas à négliger, car elle permet de comprendre le raisonnement de l'artiste parfumeur, son cheminement, son travail. Elle permet de saisir sa patte, sa virtuosité, sa maitrise technique (et c'est particulièrement là que la faiblesse de certains parfumeurs ressort ; leur sensibilité ou au contraire leur insensibilité à certaines matières)...


Matières Premières - photo : Musque-Moi


Entendre dire que parler de matières premières lorsque l'on parle d'un parfum est une chose inutile et réductrice, est tout aussi gonflant que d'entendre un groupe d'étudiants en parfumerieénoncer les molécules chimiques dans le parfum que vous êtes en train de leur faire sentir. Se cantonner au rendu olfactif plutôt qu'aux matières vous fait passer à côté de bien des aspects magiques des odeurs, comme passer d'un muguet à une rose ou un œillet en enlevant ou rajoutant une molécule, recréer sous vos yeux une fleur en plein hiver en agitant deux mouillettes imbibées de deux produits bien précis. A l'inverse, se cantonner uniquement aux matières premières vous fait passer à côté de toute la magie des parfums, de la puissance évocatrice de mots comme "rhubarbe" ou "noix de coco"à la place de noms barbares comme "acétate de styrallyle" et "aldéhyde C18", et rendre ainsi une fleur magnifique et complexe comme le gardénia qu'une vulgaire association de ces deux précédents noms. Aujourd'hui encore, je voyais des étudiants présenter leurs compositions perso lors de portes ouvertes en citant dans leurs pyramides olfactives (qui se voulaient un peu comme des éléments de communication qu'une marque donnerait à ses clients) "hydroxycitronellal", "bacdanol", "héliotropine", "galaxolide", alors qu'il serait plus judicieux de parler de "muguet", de "santal" et de "musc blanc"pour faire saisir à l'interlocuteur, au lecteur, toute la subtilité de l'accord, l'idée qui se cache derrière. Où sont passés la poésie, le rêve et l'évocation ?

Comment dire ? Quand on vous dit "ahhhh... on sent vraiment l'isobutyl quinoléine dans ton accord, et le patchouli, et le cashmeran, et...", alors que vous les trouvez particulièrement fondus pour une fois tant ces matières peuvent être puissantes, vous avez juste envie de répondre "C'est normal, il y en a ! Arrête de citer les matières que tu y sens, ce n'est pas ce que je te demande, j'aimerais simplement que tu apprécies le rendu global et que tu fasses fi de cette étalage de culture des matières premières qui réduisent ta perception et tes émotions à... néant !"
Comme me disait un ami il n'y a pas si longtemps "j'ai constaté que nous autres, étudiants parfumeurs, nous cherchons à deviner immédiatement les composants d'un parfums que nous sentons, ce qui bride d'une certaine manière notre faculté à ressentir, notre sensibilité. Un peu comme si nous étions des spectrophotomètres de masse.En ce qui te concerne ce n'est pas le cas."


Marmottes de matières premières - photo : Musque-Moi

S'il fallait que je choisisse, personnellement, je préfèrerais ne pas connaitre les matières premières de façon précise pour me retrouver en face d'un "tout", évocateur d'images et de sensations, plutôt que de maitriser les matières premières, me retrouver devant un chapelet de matières qui s'égrainent une à une, et ainsi me focaliser dessus, les reconnaitre, les identifier et à avoir tendance à les sur-sentir alors que leur utilisation n'est qu'anecdotique.
 
Bref, savoir sentir, c'est savoir mêler ces deux aspects du parfum : maitriser les images autant que les molécules chimiques. C'est donc pour cela que je lance cette nouvelle thématique "Matières Premières", histoire de parler de ces essences naturelles émouvantes et complexes qui font la beauté des parfums, autant que les molécules synthétiques, amusantes et originales, qui permettent toutes les folies odorantes.


Retrouvez cette catégorie "Matières Premières" dans les onglets en haut de la page du blog, et rendez-vous très vite pour le premier article qui, je l'espère, vous intéressera autant que j'ai de plaisir à partager et écrire sur le sujet !


Ambre Sultan, Serge Lutens - Ambre Impérial...

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En 1992, Serge Lutens chamboule la parfumerie en bouleversant les codes : il met les bois au féminin, pour les proposer aussi aux hommes, sous un élixir de cèdre nommé Féminité du Bois. L'année suivante, il surprend encore avec Ambre Sultan. Mais ce succès et la maestria de l'accord proposé ne se remarqueront que quelques années plus tard, avec un peu de recul.
En effet, aujourd'hui Ambre Sultan est considéré comme le plus bel "ambré" de la parfumerie, et est souvent pris comme référence. Certes ce n'est pas le premier du genre, mais c'est celui qui a réussi à saisir toute la richesse, l'opulence et la grandeur de cet accord initié en 1905 par l'historique Ambre Antique de François Coty.


Ambre Sultan - Serge Lutens



Craquant - crépitant - incisif

Pour donner vie à cette idée qu'avait Serge Lutens de reproduire en flacon l'odeur chaleureuse et envoûtante d'un morceau d'ambre enfermé dans une boîte de thuya, le duo Lutens-Sheldrake a imaginé un parfum reposant sur la dualité : un accord ambré s'opposant à la vivacité montante et presque médicinale d'un accord aromatique.
Les notes baumées, chaudes et enveloppantes, sont mises en opposition et exacerbées par des notes de têtes étonnantes de laurier, de sauge, de coriandre et de myrte. Un bouquet de notes aromatiques d'un vert sapin sombre et mat, sèches et craquantes, claque en tête pour s'allonger et se fondre peu à peu, grâce à la ténacité sombre d'un patchouli légèrement fumé de bouleau, dans un crépitement ardent et ronronnant. Des notes boisées, de cyprès et de cèdre sans doute, viennent figurer le saint boitier contenant la résine. Quelques minutes après la vaporisation, peu à peu les bords des feuilles roussissent, se recroquevillent... Les sèves suintent, les sucs s'enflamment, caramélisent... La chaleur de la peau joue les catalyseurs. Tout prend feu !

Brûlant - Langoureux - Sulfureux

Ces gouttes épaisses et cristallines, couleur de feu, qui coulent le long de votre nuque, ne sont que des concentrés d'âmes végétales. C'est la quintessences des arbres, leur vie, leur histoire et leur terroir concentrés dans leur sève ; ce sang qui leur est ensuite dérobé lorsqu'ils l'exsudent par larmes sous les rayons ardents du soleil au zénith. Ciste labdanum, myrrhe, styrax, opoponax, benjoin... Ces larmes ont les reflets de l'or.
Et pourtant si elles semblent tout sauf animales, elles en ont le caractère. Lorsque, sous les mains du parfumeur, mêlée à la vanille et la tonka elles prennent la forme d'un ambre, leur caractère affirmé et sulfureux semble instable. Dans son flacon, derrière son verre cristallin et froid, Ambre Sultan est prêt à exploser à tout moment en une boule de feu chargée des désirs les plus primaires. Le jus, en apparence bien sage et calme, n'est que bouillonnant et incendiaire. Il a l'âme d'un guerrier conquérant (et sa libido peut être aussi !).
Ambre Sultan a été travaillé comme un colosse, un géant massif au cœur tendre. C'est le pharaon, à la beauté divine, au physique ravageur, à la peau cuivré, au regard perçant et au menton haut et fier. Il est la force et la chaleur, le réconfort en apparence inaccessible et distant. Il trouble, attire, charme, et repousse le non averti. Pourtant c'est bien un homme, un vrai. Sous sa peau burinée par le soleil berbère roulent ses muscles et son caractère est bien trempé. Il a la carrure d'un ours, la nonchalance d'un lion, et le charme mortel d'une panthère.


Ambre Sultan / Le Pharaon (1966) - source : toutlecine.com

Lorsque je dépose une goutte d'Ambre Sultan sur ma peau, j'ai l'impression que tout s'électrise. Mon épiderme grésille, mes poils se hérissent. Je me sens orné, comme habillé sans aller jusqu'à dire "déguisé" car ce n'est pas le cas. C'est une cuirasse qui se dessine autour de moi. Elle rayonne et me fait rayonner, me semble-t-il. Mais ce n'est pas pour autant que j'aime la revêtir en public.
Tant cet ambre est troublant et ambiguë, je préfère le garder pour moi, en égoïste. Il mérite le réconfort d'un col de pull près d'un feu de cheminé en hiver, ou bien la peau nue et moite, échauffée par un corps à corps sous la chaleur d'un été sulfureux. Au choix !

Il est vrai que la chaleur sèche de l'été lui sied particulièrement bien. C'est même là où il révèle ses facettes les plus torrides. Mais attention : à manier avec prudence !
Et si La Fille de Berlinincarne la féminité absolue dans la gamme Lutens, son pendant masculin, tout aussi troublant et érotique, est bien, pour moi, cet Ambre Sultan.

[Rétrospective] Ce qu'il nous faudra retenir de 2013 ...

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Voilà encore une bien belle année parfumée qui s'achève ! 
2013 aura été tumultueuse ; personnellement intense, mais aussi très animée du côté de l'actualité parfum. Vu le succès de la Rétrospective de 2012 (un des articles les plus vus tout au long de l'année) j'ai donc décidé de réitérer l'expérience, pour commencer 2014 tout en gardant en mémoire le meilleur, comme le pire, de 2013...

Avant de commencer la lecture de cet article, je tiens à souhaiter à tous mes lecteurs, fidèles comme de passage, une très belle et heureuse nouvelle année. Quelle soit douce et parfumée, et qu'elle vous apporte tout ce que vous désirez...


~ ~ ~ Liquides, nouvelle boutique ~ ~ ~
Maintenant, les perfumistas peuvent jouer les piliers de bar... à parfum !
Dans le "Haut Marais", qui semble être devenu le lieu propice à l'installation de parfumeries confidentielles (on y trouve déjà Marie Antoinette et Sens Unique), s'est installé cette année un nouvel écrin à parfums, au look moderne plutôt boboïsant. Ce nouveau concept de "bar à parfum" est né de l'association du distributeur Différentes Lattitudes, spécialisé en parfumerie de niche, avec Philippe di Meo, designer à l'origine de la gamme de parfums "Liquides Imaginaires". Si vous ne vous perdez pas dans les rues du Haut Marais (la boutique est un peu excentrée), vous pourrez y retrouver Miller Harris, ByRedo, Olfactive Studio, Frapin, Parfum d'Empire, Amouage, Arquiste et bien d'autres...
On souhaite bien sûr à la boutique Liquides une longue vie et bien du succès. Et l'accueil n'ayant pas été toujours à la hauteur de ce que devrait être un "bar" ou tout simplement une boutique de parfums de niche, je lui souhaite aussi, plus personnellement, de ne pas attraper le "syndrome Nose". A bon entendeur !




~ ~ ~ Sandrine Videault s'en est allée ~ ~ ~
La maman du magnifique et émouvant Manoumalia, hommage saisissant à ses racines océaniennes et plus particulièrement aux rites parfumés de l'île de Wallis, a rejoint en juillet dernier le paradis des parfumeurs. Elle n'a pas signé des centaines de parfums, des succès à la pelle, ce n'était pas sa volonté. Mais elle a réussi, grâce à son parfum composé pour Les Nez, à toucher les passionnés, se faire admirer même. C'est pourquoi sa disparition brutale, à l'image de celle de Mona di Orio, a provoqué de vives réactions d'émotion.
Par ses créations, elle restera à jamais dans nos mémoires et dans nos cœurs. Mes pensées vont à sa famille, en cette période de fêtes.

En novembre dernier, c'est Maurice Maurin, président d'honneur de la Société Française des Parfumeurs et créateur d'Amazone (Hermès), qui l'a rejoint.

Sandrine Videault


~ ~ ~ Atelier Cologne étend son empire ~ ~ ~
La marque de niche au concept plutôt limité, et complètement abandonné une fois les 5 premiers parfums lancés, vient d'ouvrir une nouvelle boutiqueà Paris, dans le Marais (et oui, encore le Marais !!!), rue Debelleyme. La boutique proche de la Concorde ne suffisait pas ? A croire que non. Atelier Cologne est une affaire qui marche, et semble devenir une multinationale. Bientôt, nous aurons plus d'Atelier Cologne que de Super-Uà Paris !

La marque en a profité pour annoncer l'arrivée de "Cedrat Enivrant", une Cologne Absolue qui s'intègrera à la collection originelle (Bois Blond, Trèfle Pur, Grand Néroli...), histoire de redonner un peu de cohérence marque/produits, après avoir lancé un iris et un cuir bien loin de l'esprit cologne !

Atelier Cologne - source : facebook Atelier Cologne

~ ~ ~ Parfumeurs maison : du rififi dans l'air  ~ ~ ~
5 juillet 2013, un communiqué de presse, tel un boulet de canon, vient agiter le monde du parfum : Chanel, l'une des plus grandes marques de la parfumerie française, annonce qu'Olivier Polge, parfumeur depuis 1998 chez IFF, rejoindra les laboratoires de la marque auprès de son père, Jacques Polge, qui y officie depuis plus de 30 ans, et de Christopher Scheldrake, parfumeur et directeur de recherche et développement depuis 2005.
Au mois de décembre, c'est Hermès qui provoque l'étonnement en annonçant l'arrivée de Christine Nagel, parfumeur chez Mane, aux côtés de son parfumeur star Jean Claude Ellena.
Des changements qui laissent présager un souffle de fraîcheur et de changement chez ces deux marques. Autant dire que les perfumistas sont impatients de connaitre quelles tournures prendront ces évènements, et quelles créations en ressortiront...
Quelle sera la prochaine marque à nous annoncer des changements en interne ?
Les paris sont ouverts !



~ ~ ~ Ex Nihilo, arrivé de nulle part ~ ~ ~
Ex Nihilo, en latin, signifie "à partir de rien".
En espérant que cela ne soit pas censé évoquer les "parfums-bases"à l'origine du concept de la maison. En effets, ce dernier est de proposer des jus personnalisables pour en faire des parfums d'exception en y rajoutant vanille, iris, rose, santal, jasmin...
La Cologne 352, un citron sucré fleuri, m'a écœuré. Le Bois d'Hiver, un boisé classique et addictif, m'a beaucoup plu. Le Oud Vendôme, un boisé épicé miellé, m'a intrigué puis ennuyé.
J'ai le sentiment que l'on se perd un peu, dans les 8 premiers jus proposés : on a du mal à saisir les inspirations derrière, inspirations qui partent dans tous les sens, aux noms évocateurs mais finalement aux effets plutôt pâlichons, souffrant d'un manque d'affirmation, et surtout, d'un manque de profondeur !!!
Comme toutes ces marques qui lancent leurs parfums trop vite, Ex Nihilo souffre de jus qui manquent de personnalité, d'âme. Tout est froid et artificiel. Certes, il est difficile de se lancer dans ce domaine, et ils ont du mérite à le faire, allant même jusqu'à ouvrir une boutique à leur nom. Mais avec un marché saturé qui propose des milliers de nouveautés chaque années, parfums et marques confondues, on devient de plus en plus exigeants. Surtout que lorsqu’on se prétend ultra niche, ultra rares, ultra chics, ultra chers, ultra tout, un peu trop "tout", on risque de finir par ne pas être assez "quelque chose". Pourtant, la boutique est magnifique (j'adore ce bleu roi !), les trois créateurs sont adorables, l'identité visuelle est très forte, la mise en flacon à la demande et le robot de préparation sont vraiment intéressants, les matières proposées pour la personnalisation sont de belle qualité... mais si les parfums, à la base de tout, ne sont pas assez construits, riches, évocateurs, alors dessus, il est difficile de garder un univers cohérent et affirmé.
La marque est jeune, alors attendons de voir la suite.

Flacons Ex Nihilo - source photo : Musque-Moi !

~ ~ ~ Lifting chez Guerlain ~ ~ ~
 En 2013, la boutiqueGuerlain du 68 des Champs Elysées à Paris s'est refaite une beauté. De la cave (transformée en restaurant et salon de thé) au grenier, tout a été repensé par l'architecte Peter Marino. Mention spéciale pour la salle de consultation toute lambrissée et d'or vêtue et ornée de dizaines de Flacons Abeilles, qui aurait bien pu faire too-much, mais qui donne un aperçu du rayonnement de cette maison Française de renom.
On fêtait d'ailleurs l'année dernière les 160ans du célèbre Flacon Abeilles, et pour l'occasion, une exposition lui est consacré dans ladite boutique.
Côté parfums, ça a pas mal bougé aussi. Effectivement, on ne parle plus de Mitsouko qui a repris du poil de la bête, au vétiver dorénavant en sourdine, bien plus fondu, et à l'aura rayonnante, éblouissante même, et surpuissante, délicieusement moussue et veloutée. Mais ce n'est pas le seul. Jicky a revêtu ses plus belles notes animales, Chamade en extrait est à se damner, car tout comme Après l'Ondée, il a non pas été retouché mais a regagné des matières naturelles de meilleure qualité. Et la différence est bien perceptible : Après l'Ondée s'est asséché, comme il devrait l'être, et le mimosa au doux parfum de foin s'est marié à un iris beaucoup plus présent. Un très bon point, dont de nombreuses marques devraient prendre note, et en premier lieu chez LVMH (hum hummmmm... *tousse* Dior *tousse-tousse*)

source : nouvel obs

~ ~ ~ Tom Ford passe la cinquième et prend l'autauroute ~ ~ ~
Cette année 2013 n'aura pas été de tout repos pour la marque Tom Ford. On savait que cette gamme pleine de suprises à chaque lancement était une hyperactive, mais à ce point... Ce sont pas moins de 8 nouveaux parfums qui sont arrivés en 2013 !
La nouvelle collection exclusive Shangaï Lily est un lys aux airs d'Opium revisité. Rive d'Ambre, un véritable coup de coeur, est une orange amère teintée d'un effet d'ambre gris, sans prétention, aucune. Pourquoi cracher sur sa simplicité ? (bon, ok : son prix !) Plum Japonais aux faux airs de Lutens est une belle prune suave, santalée, très dense et un peu gourmande, mais étonnement pas si tenace que ça. Fleur de Chine, le délicieusement rétro, m'a évoqué les années folles et les vieux parfums Lanvin. Tobacco Oud, envoûtant en diable et troublant jour sur l'animalité d'un benjoin sombre et sexuel. Oud Fleur, un accord pourtant en apparence peu original, est cependant magnifiquement exécuté, avec un bouquet de fleurs suaves et charnelles, épaisses et vineuses. Très beau ! Quant à Sahara Noir, l'encens crépitant et incendiaire, il peut facilement plaire, mais les bois qui piquent, terriblement synthétiques et énervants dans le fond, le rendent insupportable à la longue. Et enfin, n'oublions pas la version eau de toilette de Noir, le masculin sorti en 2012, rafraichit et aéré grasse à une plus importante dose de notes aromatiques. Toujours aussi joli et classique. A offrir sans crainte aux amoureux d'Habit Rouge, ou a tout Homme de goût. 
Et après tout ça ? Comment va se passer cette année ? On vise les 20 lancements ?

Atelier d'Orient - Tom Ford


~ ~ ~ Bougies et encens partiront-ils en fumée ? ~ ~ ~
On a vu fleurir dans la presse des articles mentionnant un projet de restrictions liées aux bougies et encens les plus polluants.
Fallait-il s'y attendre ? En soi, ce n'est pas surprenant. Car après tout, un produit qui brûle et émet donc des substances volatiles potentiellement nuisibles à la santé est tout aussi dangereux, voire plus, qu'un produit (constitué de centaines de molécules) sensé être mis en contact avec la peau. Les bougies semblent donc prendre le même chemin que les parfums alcooliques. Il faut tout de même noter que les bougies et tout autres produits pour l'ambiance étaient déjà soumis à des lois très strictes quant à leurs compositions et leur efficacité. Principe de précaution, encore. Suspicion d'un potentiel cancérogène, encore... c'est pas comme si l'homme, il y a quelques siècles encore, et ce depuis des millénaires, vivait H-24 avec un feu de bois, une lampe à pétrole ou a huile, ou une torche à côté de lui, allait de fumigation en fumigation pour remercier les dieux, et faisait brûler toute sortes de cochonneries à longueur de temps... Que le monde est absurde !
Mettez, ceux qui le souhaitent, dans une pièce aseptisée, et puis nous verrons qui de nous est le plus heureux.
En attendant, espérons que ce "plan d'action sur la qualité de l'air intérieur" mis en place par le ministère de l'écologie ne prenne pas autant d'envergure que l'IFRA. Comme si le monde du parfum avait besoin de ça, en plus de tout le reste !
Pour un peu plus de lecture, il y a, pour ceux que ça intéresse, les articles sur le sujet parus dans Le Monde, Midi Libre et GoodPlanet Info.

source : bougie-bougie.fr


~ ~ ~ Le parfum, ça se lit aussi ~ ~ ~
Cette année est sortie (enfin!) la version française de "The Perfume Lover", le livre de Denyse Beaulieu, alias Grain de Musc, qui y raconte la genèse de Séville à l'Aube, mais aussi de sa passion pour le parfum.
Parfums, une histoire intime est donc une autobiographie bien colorée et volubile, un historique du parfum condensé, et le fascinant cheminement de la création de Séville à l'Aube que l'on découvre de A à Z. Mais plus que cela, c'est aussi un livre qui vulgarise un peu plus le parfum, et popularise la vision des passionnés que nous sommes, qui parlent des odeurs et des parfums comme on en parle entre nous. Ce livre donne une autre image de la parfumerie, démystifie tout cela, et c'est tant mieux.
A lire avec la voix de Denyse dans la tête, c'est encore plus drôle et passionnant !

Parfums, une histoire intime - photo : musque-moi


~ ~ ~ Le N°5 expose la culture Chanel... ~ ~ ~
Du 5 mai au 5 juin, le Palais de Tokyo accueillait la maison Chanel qui mettait à l'honneur son parfum culte. Mais pas que... C'est tout l'univers autour du N°5 qui était mis en avant, tous les artistes qui ont nourris sa création, toutes les inspirations, tous les courants artistiques qui l'ont baigné. Du cubisme au surréalisme, de la photographie à la sculpture. Picabia, Cocteau, Apollinaire... tous étaient réunis pour symboliser le N°5 et faire comprendre au visiteur comment ils ont inspiré, par leurs liens étroits avec Mademoiselle Chanel, ce parfum qui traverse le temps avec assurance.
Il n'y avait qu'une seule maison et qu'un seul parfum qui pouvaient se permettre une telle exposition fouillée, détaillée et complète. Et le succès fut au rendez-vous !
Pour revivre l'expo, n'hésitez pas à faire un tour sur le site qui lui était consacré.

~ ~ ~ et Miss Dior expose son gros flacon à paillettes  ~ ~ ~
Quand Chanel crée sa marque d'exclusifs, Dior lance sa "Collection Privée Christian Dior".
Quand Chanel décide d'installer ses exclusifs au premier étage des Galeries Lafayette, Dior s'installe juste en face.
Quand Chance de Chanel marche du feu de Dieu, Dior décide de reformuler Miss Dior Chérie à tour de bras pour s'y coller au plus près.
Quand Chanel décide de prendre Brad Pitt pour sa campagne de pub, Dior s'approprie Marilyn pour réécrire son histoire.
Quand Chanel se réapproprie Marylin pour faire revivre l'histoire du N°5, Dior nous ressort sa vieille pub sur les belles matières premières de J'Adore et la fausse histoire de Miss Dior Chérie devenue Miss Dior tout court.
Alors naturellement, quand Chanel décide de faire une exposition sur le N°5, Dior veut la sienne sur Miss Dior. Quitte à créer un truc de toutes pièces, bâti sur du vent, des fleurs en papier crépon et des factices rose bonbon. A coup de lucioles scintillantes, de gros noeuds-noeuds (faits d'ampoules électriques) et de bla-bla pour embrouiller le visiteur et s'inventer une nouvelle histoire bien bancale, les seules choses qui tenaient la route étaient les robes haute-couture présentées et les croquis et photos d'époque. Déjà à l'entrée, la mouillette imprégnée de Miss Dior Chérie (on l'a bien reconnue hein, on est pas dupe !) donne le ton, puis sous vos yeux, au fil des oeuvres absurdes et incohérentes, vous voyez Miss Dior laisser place peu à peu à Miss Dior Chérie l'imposteur, qui ne prend même plus la peine de se faire appeler "chérie" !
Pathétique. Ridicule. 45 minutes pour faire la queue devant le musée. 15 minutes montre en main dans l'expo. Ca ne mérite même pas qu'on s'y attarde plus longtemps ici...
Et on ne parlera pas, non plus, de Miss Dior, l'original, qui ne cesse de se décrépir avec le temps... Une honte !

Expo Miss Dior - source : madame.lefigaro.com

~ ~ ~ Une nouvelle déclinaison chez Vero.profumo  ~ ~ ~
Les créations originales et hautes en couleur de Vero Kern ( l'interview ici ) étaient jusqu'à présent disponibles en deux concentrations - eau de parfum et extrait - variant quelque peu dans leur formule pour proposer des teintes, des contrastes différents tout en gardant la même trame principale. La palette s'élargit maintenant avec les Voiles d'Extrait. Une concentration inédite qui consiste tout simplement à mettre l'extrait, sans modification de formule, en concentration eau de parfum. Quoi de plus ? Tout simplement, le parfum se met à respirer, rayonne, s'aère. Mito gagne à la fois en profondeur par rapport à l'eau de parfum originale, mais aussi en luminosité, chose qu'il avait perdu dans l'extrait. Rubj dévoile une violette toute poudrée et charmeuse, perd un peu ce cumin qui me rebutait. Kiki est resplendissant. Onda, cependant, me semble moins marqué par cette adaptation, même si le départ tonitruant reste toujours aussi surprenant et déconcertant.
Une idée toute simple mais aux grands effets, donc.
A sentir sans attendre !




~ ~ ~ Jean Patou, revival  ~ ~ ~
Cette année, cette réédition a fait des vagues dans le monde des passionnés. Une vague d'impatience d'abord à l'annonce de la réédition de 3 parfums disparus de la mythique maison Jean Patou. Mais aussi une vague de joie à la découverte du nom des 3 élus et de leurs nouvelle apparence toute rajeunie : Patou pour Homme, l'Eau de Patou, et enfin le légendaire Chaldée, tant réclamé.
C'est le parfumeur maison, Thomas Fontaine, comme je le mentionnais dans la Rétrospective 2012, qui s'est attelé à la tâche. Une tâche bien compliquée quand on connait la difficulté avec laquelle il faut : essayer de rester fidèle à l'original, tout en tenant compte des restrictions en vigueur quant aux matières premières, chose dont on se souciait bien peu à l'époque.
Un véritable chalenge, donc !
Et le résultat est au rendez vous, notamment pour le tant attendu Chaldée, au départ vert jacinthe, jasminé (qui me laisse pour le coup perplexe) avant de se réchauffer en une tonka enveloppante et animale (qui me conquis littéralement). L'Eau de Patou (re)crée aussi la surprise, avec sa fraicheur vivifiante à peine voilée de notes florales, comme toute eau fraiche qui se respecte.
Le retour prochain de nouvelles rééditions a également été annoncé, pour venir compléter cette Collection Héritage prometteuse, ainsi que le retour de la haute-couture au sein de la maison Patou. Un pari audacieux et attendu de pied ferme, pour ce nom emblématique et historique de la mode française des années folles, entre inspirations Art Déco, sportswear, et féminité absolue.

Collection Héritage, Jean Patou

~ ~ ~ Sur un air d'Art Nouveau... Oriza  ~ ~ ~
En avril, la toute "jeune"marque Oriza L. Legrand, qui vient tout juste de renaitre de ses cendres après plusieurs décennies de sommeil, s'est installée dans une charmante boutique parisienne au numéro 18 de la rue Saint Augustin. Dans ce cocon à l'inspiration très Art Nouveau, décoré avec goût et où le temps semble s'être arrêté, l'ensemble de la gamme est à découvrir grâce aux conseils de Hugo. Savons, bougies, crèmes... mais surtout parfums ! 
La gamme s'est bien développée en un peu plus d'un an, et compte pas moins de 7 parfums, dont d'autres sont à venir prochainement.
Tous sont issus de noms historiques de la marque, extirpés de vieux catalogues et de documents d'époques. Les jus, quant à eux, sont des interprétations à partir de ces noms dont les parfums sont tombés dans l'oubli. Plus de formules et rares sont les anciens flacons encore disponibles dans les collections de part le monde. Seul Horizon, l'une des fragrance sortie cette année, est au plus proche de ce qu'était le parfum original. Lorsque Hugo m'a fait découvrir ce jus presque centenaire contenu dans un flacon terni par le temps, j'ai été surpris et transporté par ce patchouli presque en solinote, très atypique et étonnant pour l'époque ! La version actuelle d'Horizon, est donc un patchouli en majesté, sec et tabacé, poudré, légèrement cacaoté à la manière de Bornéo 1834 et liquoreux comme celui de Réminiscence. Sans doute mon préféré de la gamme, avec l'étonnant Reliques d'Amour
Vient de sortir, également, Foin Fraichement Coupé, au nom bucolique et évocateur qu'il me tarde de découvrir !
source : Oriza Parfums, page facebook

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Bien sûr, tant d'autres péripéties ont animé cette année parfumé. Mais je pourrais dérouler cet article ainsi pendant des heures s'il fallait que je traite chacune d'elles. Mais ne passons pas à côté de celles marquantes et qui n'ont pas été citées précédemment !
En regardant les sorties mainstream de 2013, je me dis que cette année fut bien morose. Bien triste même, avec des sorties plus désespérantes que jamais, à faire pâlir La Vie est Belle est son sucre enrichie en glucose. Repetto Le Parfum, Invictus de Pacco Rabane, Brit Rythm pour Homme de Burberry (qui se bat encore avec le précédent pour la palme du parfum masculin le plus dégueulasse de l'année et de tout l'univers), La Vie est Belle Eau Légère (comme si on en avait besoin !), Le Beau Mâle et sa menthe métallique synthétique au nom cul-cul... cette année, on a été gâtés !
Heureusement, quelques pépites sont a retenir, et surtout une qui a sans doute fait l'unanimité chez les connaisseurs : l'Eau de Narcisse Bleu. Cette nouvelle eau, qui vient enrichir la déjà très belle collection des Colognes Hermès, est sans doute l'un des chefs d’œuvre de Jean Claude Ellena. Une trame à la Vol de Nuit, où toutes les notes s'imbriquent les unes aux autres pour former un maillage indéfectible et indéchiffrable, mais d'une évidence déconcertante. Une envolée lumineuse et maitrisée, ultra vivifiante et euphorisante. Un genre indéfinissable, inclassable, que je qualifierais de floral aromatique. Et un confort rassurant et émouvant. LE parfum de 2013 ?
On notera aussi le surprenant Elle L'Aime de Lolitta Lempicka et sa noix de coco aguicheuse et assumée. Oui, le gourmand ça peut être bien fait et plaisant, surtout quand c'est en dehors des sentiers battus, et sur une touche de vulgarité assumée.

La parfumerie de niche a, encore une fois, proposé une belle brochette de sortie. J'ai retenu pour vous, en bref :
- Gardez-Moi, le gardénia enivrant, rieur et tout simplement beau de chez Jovoy, composé par Bertrand Duchaufour.
- l'Eau Absolue, de Mona di Orio. Une eau chaude et sensuelle, réconfortante pour les jours gris et froids. J'en reparlerai...
- l'Eau du 34, variation plus rayonnante, fraiche et surtout digeste du 34 de Diptyque. Une eau aux airs chyprés et tout en apparente simplicité.
- Rosa Majalis, chez Rosine, est une cannelle (elles sont si rares !) douce et enveloppante.
- 1932, l'hommage de Chanel à la collection de bijoux de Mademoiselle, incarné par un parfum lumineux, transparent et délicat, ciselé de près, mêlant la poire, l'iris, l'ambrette et le jasmin.
- La Vierge de Fer, avec un tel nom, laissait espérer de bien beaux effets olfactifs et des évocations qui furent, au final, bien peu exploités. Dommage de mettre, sous ce nom, un shampoing à la pomme en flacon. Et en flacon cloche, qui plus est!
- Flashback, le vétiver craquant, électrisant et élégant d'Olivier Cresp pour Olfactive Studio fut pour moi un véritable coup de cœur. Et pourtant, le vétiver c'est pas mon truc ! Sa finesse et son aura épatante (sillage testé et approuvé à mainte reprises) en font un parfum parfait pour tous les jours.
-  La collection Explosions d'Emotions, chez l'Artisan Parfumeur, est sans doute la série la plus étonnante de la marque, mais aussi de tous les lancement de l'année. Sensations garanties...
- Caligna, également de l'Artisan Parfumeur, propose une vision différente de la provence, en mettant à l'honneur une qualité de sauge inédite. Effet garanti, tout en fraicheur et en transparence, soutenu par un accord figuier et un accord confiture de jasmin. Je l'évoquais ici.
- Lys Eponaédité chez Jovoy, est la mise en flacon d'un moment vécu par Cymoril, une grande passionnée de parfums. Un arrêt sur odeur dans les rues de Paris, tout près de la Garde Nationale à cheval, lorsque le parfum suave d'un bouquet de lys se mêle aux relents équins du crin échauffé.
- Dries Van Noten, qui a divisé les foules, a été un coup de cœur pour moi. Un gourmand, certes, mais exécuté avec finesse et subtilité. Un exercice du genre, avec ce qu'il faut de confort et de caractère...
- Epices Marines. Dernière Hermessence en date dévoilée par Jean Claude Ellena, en collaboration avec les maitre des épice, . Cet accord me laisse sceptique : sur une trame qui fait redite (Déclaration, Bigarade Concentrée...), l'accord inédit épices/embruns dévoile une note marine assez naturelle et un cumin de très belle qualité, mais quelque chose ne semble pas fonctionner (un manque de fondu dans les notes ?). On pourra voir cela comme un hommage et une réinterprétation encore une fois modernisée de M. Ellena pour l'Eau d'Hermès, le parfum qu'il admire le plus.
- Et enfin, la très discrète et exclusive Eau Scandaleuse, d'Anatole Lebreton, qui ne laisse pas indifférent. Une tubéreuse qui s'habille de cuir, ça ne passe pas inaperçu, surtout lorsqu'elle est suivie d'un doux fumet animal. On y reviendra bientôt ici...

En 2013 s'est aussi tenu la toute première édition de l'Olfactorama, le prix des amoureux du parfum, qui a récompensé les plus belles sortie de l'année 2012. Une bien belle manifestation, organisée dans la joie et la bonne humeur, toute en simplicité, où la passion pour le parfum occupait le devant de la scène dans une atmosphère bon enfant. La deuxième édition se prépare déjà depuis bien longtemps, et semble attendue impatiemment. A suivre...
Grande joie que de découvrir chez Marie Antoinette, la petite boutique du marais qui regorge de parfums de niches, de bougies et de savonnettes rétro, la marque suisse Les Nez, tant attendue en France et à Paris par les passionnés. Une arrivée que l'on n'espérait plus, mais qui en a ravi plus d'un, et en tout premier lieu Antonio, le maitre des lieux, très fier de cette exclusivité française !
En 2013 on a fêté les 90ans de Vol de Nuit, qui me fait plus envie que jamais, mais aussi de Fleurs de Rocaille (Caron) et Divine Folie (Patou). Mais aussi les 60 ans de Jolie Madame (Balmain) et Youth Dew (Lauder),es 40ans de L'Autre (Diptyque) et Coriandre (Couturier), les 30ans de Paris (YSL) et les 20 du Classique de Gaultier.

Et vous, que retiendrez-vous de cette année en apparence bien morose ?

[Fiche Matière] #1 Absolu Mousse de Chêne

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Symbole à la fois de l'âge d'or de la parfumerie et de ses grandes révolutions qui l'ont bouleversée ces dernières décennies, la mousse de chêne (Evernia prunastri) est le martyre des matières premières inconditionnelles cependant vouées à se faire brûler sur le bûcher insatiable du principe de précaution IFRA-esque.

Originalement utilisée comme fixateur dans les parfums, cette chimère du règne végétal est en fait un lichen : une alliance symbiotique entre une algue et un champignon. Cette singularité lui confère toute sa particularité olfactive ; son odeur de sous bois, de tapis de feuilles mortes, sera humide pour certains, et plutôt sèche et boisée pour d'autres.


Mousse de chêne - source : isaisons.free.fr

Matière extrêmement touchante et mélancolique j'ai pu constater qu'elle "parle"à un nombre incalculable de gens qui la mémorisent instantanément.
Atypique, elle ne laisse pas insensible et se hisse bien souvent dans le top 5 des matières premières préférées des personnes s'y intéressant ou alors tout juste initiées. C'est que, dans notre culture, ce parfum champêtre et rustique est ancré dans nos souvenirs et dans notre univers olfactif commun. En effet, la mousse de chêne est une matière typiquement occidentale, et à l'odeur qui évoque plus les forêts tempérées et les steppes plutôt que la nature luxuriante et colorée des pays équatoriaux. Les seules couleurs que la mousse de chêneévoquerait, serait un vert olive, ou le jaune et l'orange des arbres qui s'enflamment en automne. C'est d'ailleurs Chêne, un parfum de Serge Lutens dédié au roi des arbres, qui met le mieux en lumière cette matière d'habitude utilisée comme "second rôle". Elle apparait nettement dans son sillage qui apparait comme une ode aux sous bois automnaux et aux grands arbres couverts de mousses.

Chêne - Serge Lutens

La mousse de chêne, c'est l'alliance de notes boisées, poussiéreuses, de champignon et d'iode, qui la rendirent incontournable dans la parfumerie du 20ème siècle. Sa capacité à structurer, lier et densifier un parfum; a servi à donner aux Chypres une certaine dualité : cette verticalité un peu pète-sec et intello qui leur colle à la peau, et cet aspect moussu sans précédent et presque teinté d'une sensualité maitrisée. Jacques Polge avoue cependant, en évoquant son Chypre de la collection exclusive de Chanel - 31 Rue Cambon, qu'elle n'est pas non plus essentielle à l'accord chypré ; ce qui est compréhensible puisque le patchouli seul, associé à quelques autres matières pour ciseler le tout, suffit à évoquer cette grande famille instiguée par le parfum éponyme de François Coty. Famille qui a tendance à se moderniser ces derniers temps.

Boisée et inévitablement un peu rustique, la mousse de chêne s'est aussi invitée, il y a bien longtemps, dans une autre famille devenue incontournable chez les hommes : la Fougère. Et ce n'est pas anodin, puisqu'il fallait, pour Houbigant, représenter l'odeur de cette feuille royale et élégante dont le théâtre est un sous-bois moussu.

Mais pour en saisir toute sa beauté, toute l'émotivité qu'elle dégage, toute sa richesse et sa complexité, rien de plus fabuleux que de se poser confortablement avec une mouillette simplement imprégnée d'un peu d'absolu de mousse de chêne... Le voyage spatio-temporel peut alors commencer !
La mouillette, fraichement trempée et encore humide de ce liquide brun, évoque instantanément le bois et le champignon. Aucun moyen de se tromper ! Rien de très lumineux ou frais en soi ; si la mousse semblent bien humide et que quelques gouttes y scintillent, elle se trouve pourtant dans un sous bois bien sombre en cet après-midi automnal. Les feuilles mortes qui recouvrent petit à petit le sol depuis quelques semaines ont été achevées par l'averse de ce matin. L'humidité ambiante les ronge jusqu'à la moelle, et exhale des relents de chaire végétale brunie par le sol qui les dévore peu à peu. Puis l'ensemble s'assèche petit à petit et gagne en clarté. Un air frais souffle sur une sensualité un peu sauvage, un peu chaude. C'est la fourrure ondoyante d'un chien qui revient de promenade. Il porte sur lui non pas les "odeurs de chien mouillé" comme on entend souvent (et qui est plutôt significatif d'une mousse de chêne passée, ou de mauvaise qualité), mais les promesses d'une nature extérieure foisonnante qui vous appelle. Une nature qui veut partager ses dernières richesses avant que le froid de l'hiver ne l'endorme pendant des mois. C'est le parfum des dernières journées d'octobre, des promenades d'enfance, d'un sourire aux lèvres et d'un simple pull suffisant à supporter la fraicheur encore dominée par les rayons dorés du soleil innondant les champs d'un vert changeant et les arbres d'un jaune flamboyant.
Puis, une fois familiarisé avec cette languette de papier, les évocations s'enchainent. Les champignons qui courent le long des troncs, comme de petits escaliers blanc qui montent vers les cimes. L'écorce rugueuse des buches que l'on rentre dans la caisse à bois, assurance de passer une soirée bien au chaud, laissant tomber en pluie fine une sciure sèche et poussiéreuse. L'haleine froide d'une planche que l'on remonte de la cave. L'âme des pages moisies et de la couverture craquelée d'un vieux livre du grenier...
Le fond d'un panier en osier, l'odeur tiède de l'intérieur de la caisse à bois, le parfum boisé et poussiéreux du bûcher où les tas de petit bois sont savamment rangés et où flottent, en suspension, des fines particules semblables à de petites lucioles... C'est certain, la mousse de chêne vous évoquera forcément quelque chose de bien familier !

Arbres en automne - source : Musque-Moi

Difficile de se dire qu'une si belle matière, unanimement appréciée, est bel et bien sur le point de disparaitre de toute formule de la parfumerie. En cause : les propriété irritantes et allergisantes d'une molécules qu'elle contient. Utilisée pourtant depuis l'antiquité, elle est en quelque sorte devenue le symbole de ceux qui se battent pour limiter les dégâts irréversibles que causent les restrictions et interdictions européennes sur le monde du parfum. Jusqu'à présent, même si des matières de synthèse tentent de l'évoquer, des extractions spéciales tentent de la purifier et certains arrivent à faire sans, il semblerait bien que la mousse de chêne soit bien irremplaçable.

Miss Dior - Ce qu'il fut, et ce qu'il est devenu...

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Il y a quelques mois se refermaient les portes du Grand Palais sur l'exposition Miss Dior. Étalage désordonné de tableaux, de croquis, de photos, de (quelques) flacons, de vidéos montrant une Natalie Portman aussi faussement rêveuse qu'aguicheuse sur un "La Vie en Rose" remasterisé à coups d'accent anglais... Mais s'il y avait que ça !
Toute l'exposition gravitait autour d’œuvres d'art modernes montées de toute pièce autour de Miss Dior, qui n'est en fait pas le vrai, mais on parle quand même de Miss Dior l'original, anciennement Miss Dior mais que le Miss Dior de maintenant c'est le Miss Dior Chérie d'avant... *reprend son souffle* vous suivez toujours ? (Si oui, je vous respecte !) Bah pour faire court : on nous montre des vidéos de lucioles sur un écran géant, un gros noeud-noeud rose lumineux, des tapis multicolores, des factices géants dans des maisons de poupées remplies de fleurs synthétiques, des trucs en miroirs où on rentre dedans, pour tout au long de la visite essayer de nous faire gober le Miss Dior Chérie qui se transforme par magie en Miss Dior... "Bibidi, babidi, boo" comme dirait Demachy-marraine-la-bonne-fée !
Et vous reprendrez bien un peu de citations douteuses et d'histoire purement fantasmée par le marketing de chez Dior pour faire passer tout ça, hein ?
Bref, une exposition "so Dior" !

C'est cette exposition désolante, l'état catastrophique des parfums de la maison Dior et les 45 minutes de queue dans le froid et la pluie pour passer 15 minutes montre en main dans l'expo qui m'ont donné envie d'écrire cet article. Mais aussi le flacon de Miss Dior vintage reçu quelques jours auparavant.

Miss Dior par Gruau

Miss Dior (l'original, est il encore nécessaire de le préciser ?) est un parfum que j'admire depuis longtemps. Ma mère l'ayant porté dans une version récente, bien que moins altérée que l'actuel, j'ai mis du temps avant de me l'approprier. Pouvoir d'évocation et sentimentalité obligent.
Depuis longtemps, aussi, j'ai la chance de sentir dans les collections d'amis des versions vintages qui m'enchantent, me ravissent, et me font presque monter les larmes aux yeux. Et c'est là que l'état actuel du parfum me met hors de moi : comment peut-on défigurer à ce point un tel chef d’œuvre ? Oui, les réglementation ont bon dos, mais bien évidemment, quand une marque ne croit pas en son parfum, laisse dépérir ses ventes dans un coin, l'étouffe à coup de flankers imposteurs et décide de le reformuler pour qu'ils coûte moins cher à produire... bah ça donne ce qu'est devenu Miss Dior. Le fantôme de ce que fut l'un des plus beaux chypres verts.

C'était il y a bientôt 67ans, un 12 février 1947.
Christian Dior présente sa première collection, baptisée Corolle, qui lance sa carrière. Face au succès de cette vague de jupes et de robes New Look, s'en suit le lancement de Miss Dior, déjà prévu depuis un an.
Derrière ce parfum aussi raide et altier par sa structure chyprée, que sensuel et féminin par son accord baumé et floral, se cache Jean Carles, parfumeur de génie, et Paul Vacher. Leur collaboration, bien que nébuleuse et incertaine, donnera naissance à l'un des plus grands classiques de la parfumerie du XXème siècle, largement inspiré d'autres créations non moins magnifiques ou audacieuses.

Miss Dior (version Eau de Toilette, années 80)


Miss Dior EDT vintage - photo : Musque-Moi

C'est en sentant la version vintage de Miss Dior que l'on peut comprendre toute son histoire et que l'on peut le replacer dans la généalogie du parfum.

Largement inspiré de Vol de Nuit de Guerlain (1933) et sa richesses de notes subtilement imbriquées, toute la singularité de Miss Dior réside dans cet accord baumé orientalisant piqué d'un galbanum qui fait pulser le parfum d'une joie communicative jusque dans son coeur. Un simple souffle chaud sur la peau le ranime en un instant. Ce galbanum, surdosé par rapport à Vol de Nuit, est d'ailleurs tout droit inspiré du Vent Vert de Germaine Cellier, sorti la même année, et que Serge Heftler Louiche (fondateur des Parfums Christian Dior) adorait. Plus discrètement, en cœur et en fond de Miss Dior, c'est un accord cuir de Russie qui n'est pas sans rappeler, grâce au styrax, le parfum éponyme de Chanel et l'accord cuiré de ce que sera plus tard Habit Rouge. Le tout est enrobé dans une violette légèrement boisée (méthylionone gamma) qui appuie l'effet poudré et épaississant de l'iris.


Sur cette super-structure complexe vient se greffer un accord chypré fait d'une grande quantité de patchouli (environs 10%), ainsi que de mousse de chêne et de vétiver. Un accord jasmin-tubéreuse-gardénia subtilement dosé et fondu est introduit en cœur grâce à la tête fusante de galbanum et d'aldéhydes, ornée de notes plus fraiches et linalées de néroli et de lavande qui viennent peaufiner les derniers détails de ce qui m'apparait alors comme une cathédrale. Majestueuse et altière.
Cet accord floral chypré et poudré qui constitue la majeure partie du parfum, n'est pas sans rappeler Ma Griffe, signé par le même parfumeur l'année précédente pour Carven.

L'une des particularités de Miss Dior, pour moi marquante, est l'utilisation de l'essence de graine de céleri qui vient relever de sa note salée et épicée le bouquet floral, lui permettant de mieux se fondre sur peau et qui perdure et donne une signature. Bien sûr, on ne peut passer à côté de la note animale de civette, qui vient salir comme il se doit tout bouquet floral de l'époque, pour lui donner profondeur et mystère.

Ultra maitrisé, équilibré à la note près mais non moins confortable, Miss Dior est un parfum admirable dans sa structure parfaite qui pioche dans le passé pour se projeter dans l'avenir, en jouant les précurseurs de toute une famille et en gardant une certaine modernité, même un demi siècle après son lancement.



Miss Dior l'Original (Esprit de Parfum 2013)

Miss Dior Esprit de Parfum - photo : Musque-Moi

La grosse reformulation de Miss Dior a eu lieu en 1992.
Depuis, on peut dire que la pauvre est allée de mal en pis. Ils ne l'ont pas épargnée chez Dior, et encore moins chez LVMH. Et François Demachy, le "parfumeur maison", semble préférer s'atteler à flankeriser à tout va et à créer des jus bien peu qualitatifs pour la collection des exclusifs plutôt que de soigner les reformulations des grands classiques. Voyez l'état de l'Eau Sauvage, devenue une eau minérale arrosée d'une lichette de citronnade, Dior Homme, le si bel iris d'Olivier Polge réduit à une tonka vanillée, ou encore Diorella dont les flacons actuels ne renferment que le fantôme de ce que fut l'un des bijoux d'Edmond Roudnitska.

Miss Dior, quant à lui, est une caricature de ce qu'il fut.
La tête commence par un galbanum claquant et cinglant, porté par les aldéhydes et des notes aigres et citronnées qui laissent perplexe. C'est sans compter sur la civette (qui semble bien synthétique) qui pointe déjà le bout de son museau au milieu de ces notes fraiches, annonçant l'un des jasmins les plus hideux que j'ai jamais senti. Mais où passe tout le jasmin soit disant récolté à Grasse ? Il est réservé à la gourde de J'Adore et au flacon de Miss Dior Chérie l'Imposteur ?
Le tout pourrait à la limite se tenir, s'il ne prenait pas une allure de détergeant, à la limite du galet à chiottes. Le galbanum persiste, criard, toujours accompagné par sa graine de céleri, alors que le jasmin très indolé gueule de toute ses forces pour se faire entendre. Exit les notes poudrées qui donnaient de l'épaisseur ; seule la violette reste là, agonisante. Loin sont les notes baumées qui arrondissait le fond et qui évoquaient Vol de Nuit, une pointe légèrement vanillée persiste timidement. Perdu est l'accord cuiré qui réchauffait le fond. Miss Dior se bloque sur ce spectre, ultra floral et aromatique, pour gagner peu à peu un effet pseudo-chypré surtout dosé en vétiver et agrémenté d'une pointe d'isobutyl quinoléine qui le fait tendre vers un cuiré vert, toujours plus raide. Bandit et Cabochard ont souffert de ce même effet de reformulation caricaturale qui les fait tendre ironiquement vers une apparence franchement masculine. Je ne compte plus toutes les fois où l'on m'a demandé quel vétiver je portais après avoir mis Miss Dior en version actuelle.
La fin du parfum, là où auparavant s'épanouissait et s'étiolait peu à peu l'accord baumé et musqué légèrement animal, est devenu particulièrement insupportable.

Allez expliquer, avec ça, à ceux qui ne connaissent pas la parfumerie ou qui l'étudient que Miss Dior descend de Vol de Nuit et que la parenté est évidente. Il vous riront au nez comme on rit au nez de Dior qui nous dit qu'Hypnotique Poison est la première fougère féminine et qu'elle a été créée par François Demachy (la preuve ici !).

Miss Dior - photo : Musque-Moi

Même si Miss Dior reste toujours époustouflant et revigorant au milieu des étagères des parfumeries actuelles, il n'en reste pas moins désolant et révélateur d'une parfumerie qui va mal. Passé au bas des étagères, étouffé par sa progéniture lancée à coup de spots publicitaires et de fleurs insipides pour atteindre le haut du podium, restera-t-il encore longtemps au catalogue des parfums Dior ?
Et si François Demachy compte prendre sa retraite bientôt et que Dior veut faire son mini-buzz après tout le monde en changeant de parfumeur maison, je veux bien prendre sa place pour relever le défi de remettre à flot tous les classiques de la maison. Je veux bien vendre ma vie pour faire renaitre Miss Dior ! ;)



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Je dédie cet article à Yohan, qui l'attendait depuis longtemps et qui attend aussi celui sur les Lanvin ! ;)

Bois ambrés et narines irritées - Hummm... pique-moi, canaille !

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Les tendances suivent les innovations et les grandes découvertes, ce n'est pas nouveau, et c'est également applicable en parfumerie, domaine qui évolue main dans la main avec le secteur de la chimie, en plein essor. Il y eu la vanilline et la coumarine à la fin du XIXème siècle, les aldéhydes des années 20 à 40 surtout, la Calone et les notes ozoniques dans les années 80/90, et depuis quelques années, ce sont les "bois ambrés", comme les appellent les parfumeurs, qui semblent être la nouvelle matière à succès en parfumerie. Et leur utilisation ne semble que commencer : Karanal, Amber Xtrem, Cedramber, Ambrocénide, Palissandrol, Trimofix... chez les perfumistas, on les appelle vulgairement "bois qui piquent". Et pour cause...

"Bois ambré", voilà une famille olfactive de matières premières odorantes qui pourrait laisser présager des bois cédrés, ambrés de baumes et de résines, entre santal et vétiver. Oui mais non... Il faut replacer le contexte : cette famille de molécules a pour ancêtre l'Ambroxan, molécule de synthèse née en 1950, totalement artificielle, qui a été obtenue à partir du sclaréol contenu dans l'essence de sauge. L'Ambroxan se veut une retranscription de l'ambre gris, et non de l'ambre "oriental", fait quant à lui de résines, de vanille et de fève tonka. Même si on comprends alors mieux le pourquoi de l'appellation "ambrée" de ces bois, euh... le Karanal ne sent pas l'ambre gris, et est loin d'en avoir les effets. Ou alors de loin, trèèèèès loin, de dos, dans le noir, et dans le brouillard !
Seul l'Ambroxan est (relativement) proche de la concrétion stomacale de cachalot.

Mais alors que sentent ces molécules détestées des perfumistas connaisseurs ?
Imaginez une odeur boisée, tellement poussiéreuse et râpeuse qu'elle vous arrache la gorge et s'insinue jusque dans les tréfonds de votre cerveau en faisant tressaillir le moindre de vos neurones. 
En passant dans votre nez, il tire sur vos nerf olfactifs en s'en servant comme d'une corde de guitare.
Impactant, hystérique, claquant, surpuissant, tellement insoutenables qu'à forte concentration, mon nez développé la faculté de resserrer ses parois pour bloquer l’accès des capteurs olfactifs à ces molécules du diable. Vous savez, cette même réaction lorsque vous vous prenez un nuage de fumée de cigarette en pleine poire alors que vous n'êtes pas fumeur.

Ou alors, imaginez que l'on vous perce les tempes à coupe de forets de perceuse tout en vous ramonant le nez d'un vas et viens vicieux à coup de ronces, de fil barbelé et de branches de rosiers bien hérissées d'épines (et sans roses !).

Bois qui pique... - source : http://anitaasblog.over-blog.com

La palme de la surpuissance revient à l'Amber Xtreme et au Karanal. Ils hantent surtout les sillages des parfums masculins modernes, plutôt pas chers il faut bien l'avouer. Ben oui, on a pas besoin d'en mettre beaucoup dans la formule, et paf... ça sent fort !
Et ça sent l'homme dans l'esprit des gens, parce que "quand ça sent fort mais que c'est frais, c'est pour les hommes" (comprendre par "c'est frais" = "j'aime bien"). Bien sûr, on ne compte plus le nombre de fois où on les retrouve en parfumerie de niche, notamment pour tenter de redonner l'illusion d'un bois de oud ou booster un boisé un peu "original" selon  la marque. Seulement, il y a une différence entre l'hédione qui peut être utilisée en proportion considérable dans une formule pour donner extension et transparence tout en ayant la capacité de se fondre sans tout fagocyter, et un truc surpuissant qui plombe tout sur son passage. A ce que je sache, ça fait 3000 ans au moins qu'on utilise la civette et le castoréum, mais toujours personne n'a eu l'idée de les utiliser à plus de 10% dans un parfum, ou d'en faire un solinote !
Alors chers amis parfumeurs, allez une bonne douche froide lorsque vous approchez votre main en bavant vers un flacon d'Ambrocénide !

Le problème, c'est que certains ne les sentent pas, comme les muscs. Il y a ceux qui y sont anosmiques, et ceux qui n'y sont pas sensibles tant qu'ils n'ont pas saisi "toutes les subtilités et la finesse" de la matière. #ironie
C'est mon cas. Je ne les percevais pas avant, mais depuis que j'ai réussi à capter ce que c'était et que je réussi à les identifier dans les parfums, je ne sens que ça. Et puis il y a ceux qui aiment ça. Certains parfumeurs ont tendance à avoir la main lourde dessus, et avouent même adorer les utiliser en surdose et en mettre partout. D'autres (ou surement les mêmes !) décident même de faire des parfums-hommage au Karanal et à l'Amber Xtreme. Dernier en date : Invictus, de Paco Rabanne.

Invictus, Paco Rabanne
Pourtant, il ne faut pas voir le mal partout, ces bois-ambrés sont loin d'être inutiles. Bien au contraire ! Bien dosés, bien utilisés, ils apportent effets et texture. Pour exemple, ils hérissent Une Rose d'une couronne d'épines. Relèvent le fond sec et piquant de Portrait of a Lady et M/Mink. On les devine très subtilement dans la Treizième Heure et dans l'Heure Promise. Terre d'Hermès (Trimofix + Ambroxan)les utilise à haute dose, tout comme Alien (Cashmeran + Ambroxan), sans sombrer dans l’insupportable et c'est ce qui donne leur puissance de projection et leur sillage hallucinant.
Il faut dire que le Timofix, l'Ambroxan et le Cashmeran sont les plus vivables des bois-ambrés. Les moins extrêmes. Tout comme leur lointain cousin, le Vertofix, largement utilisé au début du XXème siècle (un des ancètres des bois-qui-pique, en somme).

Alors deuxième message aux parfumeurs : si vous êtes anosmique à une matière, c'est simple, NE L'UTILISEZ PAS, BORDEL !
Si vous les sentez bien et que vous adorez les utiliser en grande quantité, alors là je ne peux rien faire, à part prier Saint Musc Ravageur de ne jamais croiser le chemin de vos créations. Ou alors vous êtes une Germaine Cellier incomprise, ou un Ernest Beaux dans l'âme, et dans soixante ans on admirera votre avant-gardisme et on saluera votre prise de risque d'avoir osé utiliser de telles matières premières, en allant jusqu'à les surdoser. Bien que je ne sois pas certain du potentiel esthétique de ces matières lors de leur emploi en surdose, loin de la raideur verte mais plaisante du galbanum, la scintillance métallique mais irradiante et caressante des aldéhydes, ou l'aspect cuiré-vert claquant mais structurant de l'isobutyl quinoléine.
Autre inconvénient : tout comme les aldéhydes ont, suite à leur succès en parfumerie fine, envahi les produits d'hygiène courante comme les savons, les shampoings, les laques...etc, il semblerait que les bois ambrés suivent le même chemin. Quelle ne fut pas ma surprise quand j'ai découvert que c'était ma lessive qui empestait, et non le pré-ado "kékéisant" assis à côté de moi. Et je ne vous parlerai pas de la fureur dont je fus pris cet été en appliquant après la plage un après-soleil dégueulasse "subtilement boisé" !

A chaque fois que je croise un sillage apparemment uniquement composé de bois-qui-piquent, je me dis que certains parfumeurs auraient mieux fait de finir chercheurs ou artistes, ou bien collectionneurs de cabochons verts !

[Coup de Coeur] Habit Rouge L'Eau, Guerlain - Fleurs de peau au masculin...

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Habit Rouge (en Eau de Toilette, bien sûr !) est un modèle d'élégance et de chic à la française en parfumerie. Terriblement Guerlain par sa rigueur de construction, et par son vautrage inévitable dans l'oriental qui lui assure une sensualité folle.
Pari osé pour Thierry Wasser que de le revisiter dans une version "Eau" en 2011 après une version "Sport" bien moyenne.

Habit Rouge l'Eau - Guerlain

Ce qui fait l'élégance évidente et la singularité d'Habit Rouge, ce n'est pas uniquement l'utilisation de l'accord cuir qui structure la fragrance et la maintien de tête en fond en la bridant à coup de cravache et de claquement de bottes; c'est surtout son bouquet floral qui signe le cœur du parfum. Rose, jasmin et œillet sont pris dans ce corset de cuir, et apportent raffinement et légèreté au bouleau et au styrax qui flirtent avec les notes animales de civette. A la manière des aldéhydes et du jasmin "so Chanel" empruntés au N°5 pour fleurir le cuir terriblement peau de Cuir de Russie, ce bouquet couplé au fond baumé, finit de brouiller les pistes quant au genre auquel est attribué le parfum. Comme pour Eau Sauvage, il n'est pas rare d'entendre des femmes avouer porter Habit Rouge. Seule l'envolée d'agrumes très Cologne, mêlée à la lavandes et aux notes épicées poivrées, et peut être aussi les notes boisées, laissent entrevoir la cible masculine que le parfum est sensé toucher.

Ces fleurs, donc, sont sans doute ce que Thierry Wasser a retenu et a voulu mettre sur le devant de la scène dans Habit Rouge l'Eau. Comme si les pourcentage entre l'accord cuiré et l'accord floral avaient été inversés. Si bien que, senti à l'aveugle, on pourrait y sentir un parfum voué au marché féminin. Au final, cette version plus éclatante, plus propre, offre une "eau fraiche" comme il en pleuvait dans les années 70 : corbeilles d'agrumes plus ou moins largement fleuris et chyprés selon les marques.

Sans son cuir, Habit Rouge est bien plus sage, bien moins canaille. Moins électrisant pour le nez qui s'attardera sur la peau... Disons que cette sensualité n'est pas la même. Plus juvénile peut être. Plus moderne. Plus innocente sans doute.
Approchez votre nez de l'épiderme parfumé, soufflez légèrement de l'air tiède avec vos narines pour ré-activer le parfum, et sentez cette douce note florale scintillante et citronnée, chargé de suc printanier : c'est l'odeur de la fleur de coucou, qui illumine les champs au sortir de l'hiver. On y sent aussi le pollen doré qui commence à exploser dans les fleurs, la caresse des herbes hautes sur nos jambes et nos visages alors que nous sommes là, étendus dans l'herbe sur la fraicheur du sol humide, dans la chaleur des rayons du soleil du printemps. C'est plus "garden party et habit du dimanche dans un beau jardin" que "promenons-nous dans les champs pour aller chercher le troupeau", entendons nous bien.
Les pétales de ce bouquet éclatant se posent sur un cuir finement poudré, irisé, sec et racé, à l'élégance certaine et délicate qui rappelle le cuir de son aïeul, tout en restant dans le floral doux et tendre. Une Eau de caractère aussi, puisque le fond boisé et orientalisant, bois noir et troublant de mystère qui s'épaissit d'heure en heure sans envahir, l'assombri quelque peu. 

Deux Roses - Manet

La même année, Thierry Wasser réinterprétait Shalimar avec Shalimar Parfum Initial, en ayant pour leitmotiv de rajeunir le parfum historique en faisant exploser son bouquet floral. On ressent parfaitement la pâte commune à Habit Rouge l'Eau, et le travail de cisèlement du bouquet floral, propulsé en avant.

Habit Rouge l'Eau est sans doute, avec N°5 Eau Première et Shalimar Parfum Initial, un des flankers les plus réussis et en totale adéquation avec le parfum de référence. Un gouffre ou beaucoup de marques tombent sans grande réussite !


L'Eau de Néroli, Ditpyque - Un bout d'été...

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Le printemps a décidé de ne pas se faire attendre cette année. On ne va pas s'en plaindre, loin de là, mais espérons que l'hiver qui a décidé de prendre congé bien tôt ne revienne pas inopinément d'ici quelques semaines. En attendant, tout ce soleil radieux donne envie de sortir quelques parfums estivaux...

J'ai craqué, il y a deux ans, pour L'Eau de Néroli, l'une des colognes de chez Diptyque, sortie en même temps que L'Eau de Tarocco, L'Eau des Hespérides et L'Eau de l'Eau en 2008.Je me suis décidé à acheter un flacon l'année dernière, juste avant l'été.
Dans cette eau de toilette florale et radieuse, Olivier Pescheux a mis en bouteille l'insouciance et la simplicité des beaux jours.
Sur une envolée lumineuse de bergamote, aux notes fraiches et herbacées, d'aromates et de notes vertes, vient se poser une fleur d'oranger fraiche et doucement florale, qui se fond littéralement sur peau grâce aux muscs et aux notes miellées tout en conservant son aspect acidulé tout au long de l'évolution. Ce néroli, qui est en fait l'huile essentielle de la fleur d'oranger, tonifie et rafraichie le corps par ses notes amères, métalliques et croquantes de pétales frais, avant d'apaiser, d'envelopper et de détendre l'esprit grâce à sa facette fleurs blanches narcotique et charnelle, ses inflexions de foin et de pierre chaude. Douce, la fleur se fait peau. Elle électrise l'épiderme d'une sensation de plénitude pour exacerber l'odeur minérale de la peau chauffée au soleil, appuyée par un cèdre et quelques notes de bois ambrés finement dosés qui amplifient la diffusion et la tenue, en lui apportant ce qu'il lui faut de caractère.

On se sent bien en la portant, telle une chemise en lin et un chapeau de paille pour une séance de farniente sous l'ombre d'un arbre, source de fraîcheur bienvenue sous un air chaud et lourd d'une après midi d'été. Les ombres du feuillage dansent sur les corps affalés, le soleil clignote entre les branchages, et pour rien au monde on ne quitterait ce moment suspendu pour retrouver nos soucis
Vous entendez ce soupir de "je me fous de tout ce qui peut arriver maintenant, je suis trop bien, là" ? C'est cet égoïsme qui est si jouissif dans le farniente estival, et il est mis en odeur par L'Eau de Néroli !

Mon petit conseil : porter L'Eau de Néroli largement vaporisée sur les cheveux, avec L'Eau de Tarocco dans le cou ou tout autre parfum estival qui se marierait bien avec la fleur d'oranger. A chaque petite brise, à chaque mouvement, le parfum saisissant de cette fleur d'oranger vous surprendra avant de vous faire sombrer dans un sentiment de bien être et de plénitude irrésistible.


Et vous, quels parfums ce beau temps vous donne-t-il envie de ressortir ?



1932, Chanel - Eau de Toilette et Extrait lumineux...

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 Après le billet croisé sur La Fille de Berlin avec Juliette, alias Poivre Bleu, voici que l'on réitère l'aventure en emmenant cette fois avec nous Sarah, du blog Flair. 3 nez aux aguets, 3 cerveaux en ébullition et 6 mains pour vous livrer une chronique sur les 3 nouveaux extrait signés Chanel...
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Soleil rasant sur Paris...


1932, Chanel - photo : Muque-Moi !


La lumière d'or et de cuivre s'insinue dans cette rue s'étirant vers l'astre qui irradie ses derniers rayons avant de disparaitre derrière l'horizon. La lumière dans les yeux, j'avance aveuglément sans savoir ce qu'il y a à quelques pas devant moi.
Un flou poudreux et iridescent, comme un filtre aveuglant, ne dessine et dévoile les formes environnante que lorsqu'elles passent sous mon nez. Je suis là à avancer au hasard, hagard, au risque de trébucher au moindre obstacles qui apparait.
Les passants, le trottoir, les arbres, les immeubles se détourent d'un fil de lumière chaude et esquissent des silhouettes qui défilent rapidement à ma gauche et à ma droite. Rien n'est précis autour de moi ; tout approche et prend forme sans vraiment s'affirmer, pour disparaitre aussi vite que c'est apparu. Baigné de ce flot de lumière chaude et orangée, tout semble idéal, confortable, rassurant. On aurait envie de se perdre dans ces rayons tièdes et enveloppants qui caressent la peau. Ces rayons presque palpables, que l'on imagine volontiers poudreux, granuleux et vaporeux sous les doigts, tièdes et fluides dans les paumes, caressants dans le cou.

Cette lumière, cette ambiance, ce temps suspendu, ce sentiment de plénitude et cet émerveillement dans le regard, je l'ai retrouvé emprisonné dans un flacon : celui de 1932, le dernier parfum des Exclusifs Chanel, et récemment édité dans une version extrait.

1932 Eau de Toilette, Chanel - Photo : Musque-Moi !


Au porté, ce voile de jasmin iridescent et transparent mais néanmoins puissant et indolé, soutenu par une graine d'ambrette au poudré compact mais fin et par un iris élégant, saisit à merveille la pureté cristalline des diamants de la première collection de bijoux de Mademoiselle.
L'ouverte fruitée et fusante, soutenue par une étincelle d'aldéhydes scintillants, est un éclat de lumière, aveuglant qui se prolonge ensuite subtilement, comme esquissé sur les arrêtes d'une pierre finement ciselée. La poire lie le pamplemousse au jasmin. Le vétiver doux, aux tonalités de noisette, se fond dans les muscs confortablement, tout en faisant écho à l'agrume amer de la tête, encore plus fusant dans la version extrait de parfum. Le beurre d'iris, présent dans l'eau de toilette, et dosé généreusement dans l'extrait, n'est pas sans rappeler 28 La Pausa, dans la même collection ; la graine d'ambrette, le N°18.

Le jasmin, cristallin et aqueux dans l'eau de toilette, déjà animalisé par quelques notes crésolées et indolées, s'affirme et irradie dans l'extrait, toujours appuyé et détouré par ce vétiver qui assoit son caractère de fleur blanche opulente tout en jouant sur la transparence d'un aspect cuir-vert en filigrane. L'iris y est aussi plus dense, plus enveloppant et, par conséquent, tasse la fragrance pour un rendu plus proche de la peau et moins vaporeux.


1932 Extrait, Chanel  photo : Musque-Moi !

En extrait, magnifique à admirer sur peau ou par touches dans le cou lorsque l'on est tranquille chez soi, ou en Eau de Toilette, radieuse et enivrante en vaporisation large et généreuse pour éblouir le monde ; dans 1932, la finesse du travail de Jacques Polges sur cet exercice du floral fruité est clairement perceptible pour nous livrer ce bijou qui s'inscrit parfaitement dans la collection de la maison Chanel. Une élégance chanelisante, une qualité de matières et de cisèlement d'accords parfaits, rajeunis par un souffle lumineux, mais surtout un parfum seyant, diffusif et habillé comme il se doit. Ni trop, ni trop peu. On s'y sent bien, tout en se sentant habillé d'une aura étincelante, qui tinte dans l'air avec la puissance de ce silence assourdissant qu'a la lumière en se diffractant dans le cristal.

Même si la qualité éblouissante des matières de l'extrait affirme une fois de plus l'attention de la maison Chanel apportée à la qualité de ses parfums, et cet effort respectable de remettre sur le devant de la scène la tradition des parfums en haute concentration, c'est la version eau de toilette de 1932 vers qui va ma préférence et me ravi les rares fois où je le porte. Lorsque je veux me coucher dans les rayons tièdes d'un soleil aveuglant rasant l'horizon...


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Depuis quelques semaines, vous pouvez découvrir 1932, Jersey et Beige dans une concentration Extrait de Parfum. Retrouvez les avis de Poivre Bleu au sujet de Beige, et de Flair au sujet de Jersey.

De la botanique et du parfum ...

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S'il y a bien une chose que je suis pressé de retrouver, après la famille bien sûr, lorsque je quitte Paris pour la province profonde lors de mes vacances, c'est le jardin !

Botanique et parfumerie sont intimement liées, et même si je perds peu à peu mes connaissance en l'une, et que je ne cesse d'en gagner dans l'autre, je ne passe pas une journée sans me rappeler que c'est  là qu'est né mon amour des odeurs et du parfum.



A la fois retour aux sources, donc, je foule les allées de pelouse comme je me promènerais sur les chemins de mon passé. Les courbes des massifs ont bien changé, depuis plusieurs années. Le nombre de plantes et la variété des cultivars aussi d'ailleurs. La population des rosiers et des iris à probablement être multipliée par cinq, au moins, et si je pouvais, je doublerais encore le nombre, tout comme j'aimerais pouvoir en emporter un bout partout avec moi, de ce coin de repos, de replis, de méditation.
Les plantations se sont étoffées, pour former par endroit des emmêlements de plantes savamment orchestrés entre fleurs sauvages et variétés horticoles. Ça me rappelle, un peu, le mariage des matières naturelles et synthétiques en parfumerie. L'un ne fonctionne pas sans l'autre, dans mon appréhension toute personnelle des parfums. Les fragrances estampillées "Tout Naturel" et "Bio" me font bien rire et m'emmerdent, tous comme les gens qui posent systématiquement la question "oui mais, est ce que ce parfum est naturel ?". Les marques conceptuelles, modernes, ultra désincarnées et basées sur l'innovation et la force des matières synthétiques , elles, me font l'effet d'un menu MacDo : ça a l'air cool, ça fait envie à première vue sur la photo, en fait c'est fade, et en plus ça nourrit pas ; reste plus qu'à trouver un bon restau, ou bien rester sur sa faim jusqu'à ce soir !
L'absolu de Tubéreuse, c'est magnifique, dinguissime même ! Sous son départ acre, à la limite de la "remontée acide dans la gorge" et de la soupe de légumes, les facette florales et grasses collent à la peau grasse à l'irrésistible facette lactée et se mêlent à une douce odeur de foin vert. Mais s'il n'est pas porté par des salicylates, des muscs, des aldéhydes, et d'autres matières dites "à effets", cet absolu, en composition, se casse la gueule bien vite. Le diamant brute, pour qu'il resplendisse, doit être taillé, ciselé et serti. C'est ainsi que la tubéreuse de Carnal Flower (aux Editions de Parfums Frédéric Malle) est magnifiée pour être exacerbée, travaillée et poussée en avant pour resplendir de façon presque naturelle, justement.
A côté, Vamp à NY, de Honoré des Prés, fait bien pale figure, sans pour autant en critiquer ici la qualité ou la beauté. C'est déjà bien plus qualitatif que les parfums de la gamme Fleurs de Bach, dans le même registre "Bio" !

Si on veut du parfum 100% naturel, donc, il ne faut pas le porter, mais plutôt le planter !
Rien de mieux qu'un carré d'iris, un parterre de thym, un buisson de ciste ou une haie de rosiers pour admirer à l'état pur les parfums que nous offre Dame Nature. Là, ils peuvent être appréciés à leur juste valeur, et se permettre d'être dépouillés de tout artifice, puisqu'ils sont à leur place, dans un contexte précis : celui de séduire pour leur survie !


Carl von Linné

Car oui, la fleur n'est autre qu'un organe sexuel exposé à tous les vents, on doit bien l'avouer. Et c'est sans y réfléchir, et innocemment, que nous, pauvres animaux que nous sommes, y fourrons notre nez, sans même une arrière pensée. Ou tout du moins, c'est ce qu'on croit !

Carl von Linné, grand botaniste de sont temps, avait d'ailleurs été accusé de "franchir les limites de la décence" et comparé à un "auteur de romans obscènes" lorsqu'il proposa sa classification des plantes basée sur le nombre d'étamines, de pétales et de pistils. Classification qu'il avait nommée d'ailleurs "système sexuel". Pauvre homme incompris. Bon, d'accord, il l'avait peut être un peu cherché !
Et pourtant, il expliquait si justement et poétiquement ce qui nous trouble inconsciemment, j'en suis persuadé, chez toutes ces scènes orgiaques à ciel ouvert : les pétales "servent de lits nuptiaux, que le grand Créateur a fait si merveilleusement avec des draps si nobles, et avec des senteurs aux parfums si doux que le jeune marié et son épousée peuvent célébrer leurs noces avec une grande solennité." Tout est fait pour nous happer le nez au centre de ces replis charnels.
Nous nous faisons avoir, comme des animaux primaires, abeilles, colibris, chauve-souris et autres nectarivores servant d'intermédiaire de fécondation. Oui, dit comme ça c'est pas glamour ! Quoiqu'il en soit, nous sommes bel et bien manipulés par un être vivant certes, mais d'un tout autre règne : les végétaux arrivent à influencer les animaux. Cela va au delà de tout ce qui est d'habitude admis. L'homme, si fier soit-il, manipulé par une fleur ? Ridicule !

Et pourtant... 
Je n'irai pas jusqu'à dire que l'odeur d'une rose a, sur moi du moins, autant de pouvoir que celle du musc, du castoréum ou de la civette. Les odeurs animales ont, parenté oblige (quand l'animal parle à l'animal...), une influence beaucoup plus forte sur nous, humains, que celles des fleurs qui nous semblent tout de suite plus "asseptisées". Cela est sans doute due en partie à leur utilisation comme objet décoratif et au parfumage des produits quotidiens avec leurs essences, mais aussi à l'hypothèse évoquée plus haut : la différence abyssale entre le règne végétal et le règne animal, deux mondes qui sembles à l'opposé l'un de l'autre.
Amalgame d'images, association d'idées, différences physiologiques de base... Et pourtant, nous sommes irrésistiblement attirés par certains de leurs parfums, enivrants et narcotiques. Tubéreuse, chèvrefeuille, ylang, jasmin, fleur d'oranger, rose, narcisse...  toutes ont en commun une facette animale. Chaire, sueur, suint, crotin de cheval, replis de peau macéré, ce sont des odeurs "qui nous parlent", de la même façon que nous susurre de gentils mots doux la trace de civette au fond de Shalimar, tout cela de façon complètement involontaire de notre part. Certes, on pourra toujours débattre sur le sujet, parler de l'innocente odeur de la violette ou de l'odeur poudrée, cacaotée et vanillée de la fleur d'iris, mais touchés en plein cerveau reptilien, dans nos comportements les plus primaires, il nous faut bien l'avouer : le parfum d'une fleur a une emprise non négligeable sur nous, au delà de tout attachement sentimental.
Depuis des millénaires, l'homme s'obstine à les mettre en flacon et à s'en enduire généreusement. C'est pas pour rien !

"Au cœur des draps ..." - Géranium Lavender Pinwheel

A cette manie de fourrer mon nez dans chaque fleur passant à portée de narine, est venue s'ajouter celle de froisser chaque feuille passant à portée de main, pour saisir également toute leur âme parfumée, qui se cache, pour certaines, jusque dans leur sève. Après tout, si les plantes s'exposent aussi docilement, c'est bien qu'elles veulent se faire caresser ! ;-)

Et sinon au jardin en ce moment ? C'est l'explosion !
Entre deux rayons de soleil (enfin !) se distillent dans l'air le parfum poudré des iris, qui se mêle à celui suave et miellé des seringa et des acacias. Les roses sont en boutons, et promettent un beau spectacle aussi bien visuel qu'olfactif, qui débutera d'ici une semaine.
Descendez vous aussi dans vos jardins, dans les parcs, ou même chez votre petit fleuriste ou dans la jardinerie du coin. Les lantanas sont en fleurs, et leur parfum miellé n'a rien a voir avec l'odeur fruitée des feuilles froissées. Les œillets répandent leur parfum épicé et vanillé, tandis que les feuilles des cassissiers bruissent de leur odeur fruitée et soufrée en balançant leurs grappes de fruits verts. Les hémérocalles jaunes exhalent leur souffle jasminé jusque dans l'air tiède du soir.
Un geste de la main dans les touffes de menthe, de mélisse, de thym et de lavande, et c'est un tourbillon de senteurs aromatiques aux teintes vertes et cristallines qui nous montent aux sinus comme un vent frais et désaltérant.
Il y a tant à découvrir dans les allées des jardins. Prenez le temps, soyez curieux, et votre culture olfactive n'en sera qu'enrichie !


Je vous propose donc, pour les jours en les semaines qui vont suivre, quelques billets mêlant botaniques et parfum. Anecdotes, sensations, émotions, secrets et histoires seront au rendez-vous. 
Alors restez dans le coin... 


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Retrouvez toute la série "Parfum rime avec Jardin" :

- Introduction : "De la Botanique et du Jardin"
- Chapitre 1 : Les Iris
- Chapitre 2 : l'Acacia
- Chapitre 3 : Le Lys

Anatole Lebreton - Touchantes touilleries ...

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Depuis plus d'une décennie, le parfum et son approche ont beaucoup évolué, notamment avec l'apparition d'une sphère de passionnés, poussés par l'émergence des critiques - journalistes ou blogueurs - et leur fréquentation assidue de forums et autres sites participatifs.

Avec cette évolution du rapport au parfum, et surement couplé à un certain ras le bol du marché actuel ne satisfaisant pas le connaisseur, un nouveau virage commence à être pris par cette communauté d'amoureux des odeurs, avertis et chevronnés : passer de l'autre côté du miroir.

Si, en 2012, Séville à l'Aube a amorcé ce tournant, d'autres ont suivi. Lys Epona lui a emboité le pas. En parallèle, quelques parfums très confidentiels et développés de façon artisanale, ont été distribués au compte goutte et sur demande par Anatole Lebreton, parfumeur en herbe qui se cache derrière son Eau Scandaleuse et son Eau de Merzhine. Des fragrances originales et aussi signées que soignées, faisant écho à la parfumerie classique passée et racontant des histoires touchantes. Partons donc, dès à présent, à la découverte de celui qui revêt momentanément le statut de professionnel du parfum, ou qui semble bien parti pour s'y faire une place...


L'Eau de Merzhin, un parfum d'herbes folles...

L'Eau de Merzhin - Anatole Lebreton
"Je voulais reproduire l'impression de prairie bretonne au printemps avec notamment l'aubépine, les herbes des champs et plus tard les foins", nous dit Anatole Lebreton, son créateur. C'est chose faite, et de façon particulièrement bien réussie.
Sur un aspect général vert un peu tiède, poudré et irisé, cette eau étonnante nous dévoile une profondeur inédite. "Je voulais faire un parfum vert mais sans agrumes". Les notes de têtes piquantes, poivrées, alliant l'angélique et le galbanum dans un éclat de verdeur saisissant, laissent place à un cœur d'une rondeur infinie où le foin règne en maître. Le confort étonnant d'un matelas d'herbes sèches, accompagné par l'iris et le mimosa, prolonge l'aspect tout en vert de l'Eau de Merzhin en passant d'un vert anis à un vert émeraude. L'Eau de Merzhin, c'est aussi le souvenir d'une feuille mise à sécher dans un gros livre, entre les page craquelées et jaunies d'un vieux bouquin. C'est le souvenir d'une feuille de sauge oubliée dans la poche d'une veste. Le souvenir des grandes fermes remplie de paille à la fin de l'été et des parties de cache-cache entre les bottes de foin. Déconcertant de poésie et d'émotions. Anatole le voit d'ailleurs "comme une chose un peu poétique, une estampe."
Une note animale, suave et ronde, de civette peut être, englobe cette ode au végétal, et par cette dualité des genres, le parfum semble prendre vie.

Le plus étonnant, avec l'Eau de Merzhin, c'est cette diffusion impressionnante, cette impression de texture épaisse et enveloppante. A cela s'ajoute une tenue parfaite. Et je peux vous dire que ce sont bien les deux choses les plus délicates lors de la création d'un parfum. Anatole avoue que ces détails techniques étaient les plus difficiles à réaliser. Un défi relevé parfaitement et qui a de quoi faire pâlir pas mal de jus actuels, développés par des parfumeurs professionnels.

Tout semble si bien ficelé, parfaitement imbriqué et fondu. Pourtant, Anatole Lebreton l'avoue : "comme je ne suis pas technicien, c'est presque les matières qui, en s'assemblant, m'ont guidé.

Livrer un bout de soi...


"Sentir l'Eau de Merzhin sur quelqu'un, au début c'était vraiment bizarre. Je voyais que les défauts, ou alors j'avais du mal à croire que c’était moi qui avait fait ça. Et savoir qu'on porte quelque chose que j'ai fait, c'est très touchant." C'est un peu ça, la dualité qui réside dans la création de parfums : donner avec fierté aux autres quelque chose créé avec ses tripes, où l'on y a mis son sang et sa sueur. C'est livrer ses souvenirs, les mettre sur un plateau de façon bien arrangée. Ce n'est pas rien. De plus, le développement d'une fragrance prend du temps et se fait en parallèle de sa vie personnelle. Le créateur y associe donc, inévitablement, toute une série de souvenirs qui se bâtissent involontairement autour. Sentir et ressentir une création fait toujours remonter tout ce que l'on a vécu lors de son élaboration. Pour le meilleur, comme pour le pire.

"Le plus touchant, ce sont les retours que j'ai et qui me racontent que le parfum les a transporté ailleurs, dans la mémoire, les a fait rêver", raconte Anatole. "Ca me rend fier de ce que j'ai fait, alors que normalement je doute tout le temps." Et c'est bien mérité !
Selon lui, c'est le fait d'utiliser beaucoup de matières naturelles qui provoque des réactions émotionnelles fortes. En effet, la richesses des essences, absolus et autre résinoïdes offre des parfums complexes et magnifiques, mais souvent brutes et s’apparentant aux odeurs que l'on peut croiser dans la nature, si l'on prend le temps de se pencher dessus. A l'image de la mousse de chêne, par exemple. Ce sont des décharges d'émotions pures, mais que les parfumeurs se doivent de magnifier grâce à tout un attirail d'autres matières.

On ne s'arrête pas en si bon chemin...

De la façon dont on ne l'a pas lâché et encouragé comme il l'a été après son premier opus, Anatole Lebreton ne pouvait pas se limiter à une seule création. Et bien sûr, une fois que l'on a pris plaisir à ravir les nez à l'affut en racontant un conte parfumé, on a du mal à s'arrêter : on a envie d'en raconter d'autres, et pourquoi pas de créer un recueil !

L'Eau Scandaleuse - Anatole Lebreton
L'Eau Scandaleuse fut donc attendue avec impatience. Anatole raconte que l'inspiration de cette eau pas très sage est née d'un essai de recomposition de lys, "je l'ai raté et d'ailleurs son nom a longtemps été "lys raté". J'avais fait une tubéreuse à la place, avec des notes un peu cuirées." Il a alors décidé de repartir de cette base, là où les matières l'avaient mené, en accentuant les deux notes principales qui allait devenir l'accord principal de ce que serait l'Eau Scandaleuse : le cuir et la tubéreuse.
"C'était beaucoup plus urbain, plus trash. L'idée d'une femme un peu fatale qui traverse un atelier d'artiste ou un magasin d'antiquités." Après un travail d'équilibrage, de ciselage et d'ornement, visant à arrondir la fragrance, la moirer et lui donner de la patine, Anatole Lebreton est arrivé à ce qu'il appelle "une main de velours dans un gant de cuir". Une tubéreuse arrogante et dramatique, habillée d'une robe fourreau en cuir et tirant sur son porte cigarette qui sature l'air d'une fine fumée. Une pêche fond la fleur sur le cuir et enrobe le tout, tandis que les notes animales en excès rugissent et ronronnent sur peau. Outrageusement indécent. Délicieusement provocateur.

Et quand on lui dit que ses créations sont très abouties, digne des parfumeurs professionnels, Anatole se justifie modestement : "le truc, c'est que j'ai la chance de pouvoir faire tester à des parfumistas aux nez très exigeant. C'est un peu mon panel et, mine de rien, ça influence les essais et l'évolution du parfum. Même si au final, c'est moi qui tranche, et il faut que ça me plaise d'abord."

On sait déjà que Bois Lumière, la prochaine création à venir de sieur Lebreton, sera un miel/immortelle. Les quelques essais que j'ai senti il y a bien longtemps étaient très prometteurs. Pour la suite, rien de clairement défini pour l'instant, et tant mieux ! On préfère attendre encore et encore, des créations réfléchies et soignées, développées en prenant le temps. Mais Anatole évoque cependant quelques pistes : "Il y a des choses sur lesquelles je travaille depuis au moins deux ans, sans trouver le bon angle. Le vétiver et la rose m'énervent parce que je n'arrive pas à quelque chose de satisfaisant. Techniquement, ils me résistent."

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Retrouvez Anatole sur son blog et pour le contacter pour plus de renseignements sur ses créations, c'est à cette adresse : anatole.lebreton[a]gmail.com

Rose Cut, Ann Gerard - Rose 90's...

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Rose Cut est la nouvelle création de Bertrand Duchaufour pour Ann Gérard, la joaillière parisienne qui nous dévoilait en 2012 ses trois premiers parfums, Ciel d'Opale, Cuir de Nacre et Perle de Mousse, déjà créés par le parfumeur chouchou des marques de niche et ami d'Ann.


Rose Cut est, outre l'évocation d'une technique de taille de pierres précieuses presque oubliée, la représentation olfactive, pour moi, d'un bouquet de roses... coupées, donc !
Mais cette rose mystérieuse va plus loin dans mon imaginaire : elle serait tout droit sortie des années 90.

Les années 90, c'est la société de consommation de fin de siècle en expansion : il faut produire vite et en quantité. La forme prime sur le fond. Le visuel de la fleur prime sur son odeur, si bien que les roses en on perdu leur parfum en chemin, ou le peu qu'il en reste se noie dans le trop plein d'informations et d'influences en tout genre. Il faut donc se l'imaginer ce parfum des roses.
Pour ce bouquet de Rose Cut, Bertrand Duchaufour n'a pas mis la rose en prédominance, mais l'a habillée et fondue dans les bois à la fois secs et liquoreux, les muscs et les baumes. J'y décèle même presque une note de pêche et de thé.
Une rose tout droit sortie d'un de ces bouquets, sous papier crystal, de roses d'un rouge cramoisi et velouté, qu'on offre comme on l'oublie, dévoilant une odeur presque imperceptible ou qui sonne faux. Je ne dis pas que Rose Cut ne sent pas la rose, mais simplement que ce n'est pas une rose en majesté. Ou plutôt que ce n'est pas qu'une rose.

C'est pourquoi, cette rose qui n'en est pas tout à fait une, m'évoque cette décennie, et ses clichés sans doutes. C'est l'ambiance qu'elle dégage, qui prend racine entre les reste d'une folie colorées et déjantée des années 80, et la décadence déprimante du nouveau millénaire.Une interprétation toute personnelle aussi, bien sûr !




L'envolée pétillante, poivrée et liquoreuse en tête, un peu plastique, un peu dissolvant, où pointent déjà les notes plus boisées et légèrement sucrées du fond, me ravi à chaque pulvérisation. C'est d'ailleurs ce que je préfère dans Rose Cut.
Éclat scintillant et métallique de bulles de champagne, de flashs stroboscopiques passés au travers d'un plexiglass fuchsia, et cassis explosif. Effervescence d'arômes excentrique et trafiqués de framboise bleue sur la langue. Couleurs extravagantes - restes de la décennie précédente - et associées comme elles viennent grâce à des vêtements aux matières toutes aussi improbables les unes que les autres.

Dans cette ambiance très nocturne, boîte de nuit ou fête foraine, les clopes au bec apportaient à cette époque une identité olfactive aux soirées, perdue depuis l'interdiction de fumer dans les lieux publics. C'est ce que j'ai l'impression de retrouver dans cette fragrance, de façon détournée bien sûr : une note florale, suggérant les parfums des reines de la nuit, sur une note de bois sec, réminiscence des peaux s'imprégnant lentement de l'odeur des cigarettes.

Peaux parfumées de fonds floraux et politiquement correctes dévoilant leur vanille, éclaboussées de cocktails pétillants, rhum et jus de fruits rouges qui collent à la peau, d'une trace de tabac et de vin rouge aussi, et qui s'échauffent sur des rythmes binaires et électroniques.




Les spots fluo, verts, roses et bleus, envoûtent les esprits surchauffés dans un tourbillon hypnotique. La rose est détournée, déformée. Ni classique, ni moderne. Alternance de pétales en skay, en acrylique et en nylon. On ne sait si elle se poudre ou si elle se boise. Le patchouli particulièrement chocolaté n'y est pas pour rien, tout comme le benjoin, vanillé et cinnamique, et le bois de chêne, liquoreux et boisé sec. Le fond se pose, rapidement, calmement. Faut pas déconner, on est pas aussi hystériques que dans les années 80 !

Je dois dire que l'évolution me laisse perplexe et retombe un peu vite, à mon goût, après la tête si prometteuse et montante. Mais même s'il n'a pas la carrure des grandes roses classiques, Rose Cut me fait sourire.

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Sacred Wood & Jasmine Tea, By Kilian - Une belle surprise !

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Bon, il faut bien le dire, je n'attendais plus grand chose de la part de Kilian.
Vous non plus ?

Asian Tales, By Kilian - source : www.bykilian.com

Après son Oeuvre Noire plutôt bien fichue et se tenant de bout en bout, sa gamme dorée au oud destinée à sa clientèle moyen-orientale et sa gamme blanche explicitement destinée à la Russie, ponctuées d'une collection aux consonances asiatiques (Asian Tales) lui ont collé une étiquette "prendre l'argent là où il est" sur le front. D'ailleurs, si quelques parfums de la première collection étaient appréciés des connaisseurs, comme la lavande noire et profonde de Taste of Heaven ou la tubéreuse séductrice de Beyond Love, rares sont les fragrances des trois autres gammes ayant marqué les perfumistas.
Il faut dire que les jus faciles, aux odeurs de shampoing ou de fruits sans subtilité, n'avaient rien pour s'attirer la sympathie des critiques.

Mais coup de théâtre avec les deux dernières nouveautés sorties début avril !




Sacred Wood - le Santal en majesté... 

Rares sont les santals de qualité sur le marché actuel. La raréfaction de la matière première naturelle, due à la surexploitation des arbres non replantés par la suite, ont conduit à une flambée du prix de l'essence de santal. Cette dernière, au fil des décennies, a été peu à peu remplacée par les molécules de synthèse, faisant presque oublier ce que sent réellement le santal au naturel : ni trop lacté, ni trop sec, une note de cèdre aux inflexions d'arachide et de coco. Subtil et délicat.
Tam Dao de Diptyque et L'Arbre de Iunx sont pour moi les deux seuls représentant fidèle (en solinote) de ce parfum aux connotations sacrées. A ces deux fragrances vient s'ajouter maintenant Sacred Wood, le santal très personnel de Calice Becker pour Kilian.

En effet, on raconte que cet essai était un projet personnel de Calice Becker, qui n'attendait qu'à être révélé au nez du monde entier. Kilian Henessy réussit à la convaincre de se laisser éditer dans la collection Asian Tales.

L'envol du parfum se fait directement dans le vif du sujet : un souffle boisé sec et mat, légèrement poivré et linalé, se laisse peu à peu traverser par un voile lacté tiède, infusé d'épices. Le cumin, surtout, crée un lien évident avec Santal de Mysore de Serge Lutens, grâce à cette note que je qualifie de "graine de couscous". Une espèce d'effet "céréale tiède et douce", issue de l'association santal/épices.
Puis, un encens un peu métallique, presque iodé, minéral surtout, transperce à son tour ce bois pour en intensifier l'inflexion sacrée, et pour ne pas qu'il sombre dans le lacté gras.
Tout en finesse, pas si puissant, ce morceau de santal ciselé et orné est une petite pépite qui en ravira plus d'un, et où les notes de santal synthétique (qui me donnent d'habitude des hauts le coeur) sont incroyablement bien fondues pour donner l'illusion du naturel.



Flacons - source : www.fragrantica.com



Imperial Tea - Jasmin en infusion...

Le thé au jasmin est un exercice assez répandu en parfumerie. Heureusement, le traitement est différent à chaque fois.
Dans cette version qu'elle avait originalement créé pour elle, Calice Becker nous offre un instantané le plus fidèle possible d'une tasse fumante, selon la marque. Soit. Mes amis semblent approuver. Il faut dire que je ne suis pas un grand connaisseur et encore moins adepte du thé, même si j'aime me délecter de ses arômes délicats lorsque j'en bois, mais j'ai été séduit par ce jasmin majestueux.

Gracieusement posé sur des notes vertes légèrement amères, ces boutons de jasmin sambac s'ouvrent dans une détonante envolée de néroli ; note oranger qu'il gardera tout au long de l'évolution. Certainement plus brut, plus austère qu'un Thé pour un été de l'Artisan Parfumeur, le jasmin de Imperial Tea se caractérise par cette note de latex ou de baudruche, c'est selon, qui interpelle et nous laisse perplexe. Entre le "J'aime" et le "quelque chose me bloque"...
Une touche juste sucrée, comme un suc de fleur, rend la composition délicieuse et appuie la délicatesse du trait de cette aquarelle faite comme une estampe japonaise, comme l'ukiyoé d'un jasmin peint au thé parfumé.
Reposant, apaisant et évident...


Le temps d'un test... - retrouvez moi sur instagram : infdi

Grâce à ces deux nouvelles créations, belles dans leurs simplicité et dans leur traitement délicat, Kilian nous surprend là où on ne l'attendait pas.
Deux chapitres pour clore la collection des Asian Tales, et qui nous feraient presque regretter cette fin inattendue. En espérant que ce ne soit que le commencement d'un renouveau !




Shalimar, Guerlain - de 1925 à 2015. Passé, présent, futur...

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Le 26 avril dernier, Thierry Wasser et son parfumeur junior, Frédéric Sacone, nous accueillaient au 68 des Champs Élysées pour une table ronde "Guerlain et les blogueurs à table" autour des grands classiques oubliés - ou grands classiques tout court, pour certains - de la maison Guerlain.
Tellement de surprises, tellement d'émotion, tellement de passion et de découvertes... Je ne pouvais pas garder cela pour moi, bien sûr. Il fallait que je partage tout ça avec vous, chers lecteurs !

Certains confrères ont déjà commencé à en parler, à leur façon. 
Personnellement, j'ai décidé de vous raconter, dans une série de plusieurs articles qui s'égraineront au fil des mois, ces précieux parfums qui font partie du patrimoine Guerlain, mais représentent surtout une part énorme du patrimoine de la parfumerie tout court.

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Re-peser ces références historiques avait pour but, initialement, de reconstituer au plus juste les jus d'origine, avec les matières d'époque, pour ensuite s'en servir pour le travail de reformulation des Shalimar, Jicky, Mitsouko et autres L'Heure Bleue. Une façon de respecter et le consommateur, et le patrimoine maison.
Pris au jeu, Thierry Wasser et Frédéric Sacone ont décidé de faire revivre quelques autres parfums oubliés en se replongeant dans les livres de formules de Aimée, Jacques et Jean-Paul Guerlain, jusqu'à arriver au nombre de 25 reconstitutions au total !
Ces parfums ont d''abord été ressuscités pour remplir avec autre chose que de l'eau colorée les flacons d'époque de la galerie à l'étage de la boutique des Champs, mais aussi (et pour notre plus grand bonheur) pour les rendre accessibles aux passionnés et aux curieux qui aimeraient les sentir, sur rendez-vous, au 68 des Champs Elysées.


Guerlain - Shalimar extrait 1925, photo : Musque-Moi !

Voici donc comment Thierry Wasser ouvrit la conférence autour des anciens parfums Guerlain : il fit de Shalimar l'emblème de l'évolution de la célèbre maison au cours du 20ème siècle, en expliquant les divers problèmes rencontrés au fil des décennies par les parfums Guerlain et qui ont fait des grands classiques survivants de la maison ce qu'ils sont aujourd'hui ; admirés mais bel et bien amochés par le temps et les restrictions.

La "patte"Guerlain (notamment celle de Jacques) est, contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'association en trois temps de notes hespéridées et aromatiques, à l'envolée fraîche et herbacée, d'un coeur floral classique mais généreux et facetté par un fond cuiré, baumé et musqué, où souvent la violette joue à cache-cache. Quand l'un de ces éléments est contrarié, c'est tout un équilibre qui tombe, comme un vulgaire château de touches à sentir !
Et l'un de ces éléments qui a le plus souffert, c'est la bergamote.
Bergaptène, furocoumarine... autant de noms barbares pour parler de ces molécules présentes dans les agrumes et qui réagissent avec les rayons du soleil, provoquant brûlures et cancers. Autant dire que les réglementations ont, pour notre plus grand bien, banni très vite leur présence dans les cosmétiques. Mais au grand désespoir de parfums comme Shalimar, puisqu'il en est question ici.

En effet, la bergamote brute, comme nous l'appellerons, n'a plus rien à voir avec sa demi-sœur la bergamote traitée sans bergaptène. Imaginez si dans votre tasse de thé, on avait jamais mis de feuilles à infuser. Imaginez si dans votre chantilly, on avait omis le sucre et la vanille... ça serait fade ! Et bien c'est exactement l'effet d'une bergamote traitée. Elle est lavée de toutes ses facette les plus brutes, zestées et terpéniques qui la rapprochent de l'essence d'orange en moins fruitée, avec presque des notes d'essence et de bois râpeux. Son double moderne est devenue plus transparente, stridente et métallique.
La conséquence ? Un départ plus transparent et fusant, et un emballement des notes animales dès la tête du parfum, qui rendent le tout fécal. A l'image de Jicky ou de Mouchoir de Monsieur dans leurs versions actuelles. Si par le passé les notes animales servaient à faire vivre les parfums Guerlain, maintenant elles en sont réduites à le souiller. Si par le passé elles faisait ronronner les fleurs et les baumes doucement sur la peau, maintenant elles hurles et rugissent dès les premières minutes. La faute à cette bergamote complète maintenant disparue qui les enrobait et les muselait.


Guerlain - Shalimar Eau de Parfum actuelle ; Photo : Musque-Moi !

L'extrait de 1925 démarre donc sur cette bergamote intense et racée, rehaussée de lavande, qui donne un éclat montant et scintillant tout en introduisant très vite la rose suave relevée d'une pointe de fleurs blanches, qui s'enveloppe d'une généreuse vanille que l'on sent poindre déjà. La note aromatique et terpénique des agrumes perdurent relativement longtemps dans l'évolution. Presque de bout en bout, comme si ces notes plus fraîches étaient agrippées par les muscs du fond.
Dans mon souvenir, Shalimar se devait aussi d'avoir une note cuirée et fumée, commune à beaucoup de ses ancêtres, ainsi qu'un aspect musqué et poudré plus intense et épais. C'est bien le cas !
La principale différence réside dans l'absence de cet accord cuiré dans l'extrait actuel, qui assombri la composition grâce à l'aspect fumé de l'essence de bouleau dans la version de 1925. La vanille se tient sans sombrer dans ses facettes les plus culinaires, les plu grasses. La version actuelle souffre de cet aspect proche du dessert, plus facile et peut être plus dans l'air du temps sans doute, mais qui vulgarise Shalimar en une presque simple vanille alors que c'était, à l'origine, bien plus.


L'extrait actuel est loin d'être mauvais. Même très largement acceptable. La tête est moins éblouissante, car plus transparente et métallique, diluant un peu les fleurs qui peinent à soutenir le fond oriental. Une note de santal sans doute un peu plus présente en fond, appuie la vanille sur peau de façon plus grasse et lactée. La gousse se fait plus douce et alanguie, alors qu'initialement son caractère s'affirmait, soutenu par le cuir et les notes poivrées de l'encens, toujours présent quant à lui, autour desquelles s'enroulait la civette.
L'eau de parfum actuelle est également une version tout à fait honorable, assez proche de l'extrait actuel tout en ayant un aspect poivré et animal plus exacerbé, ainsi qu'une violette plus grasse en coeur.

Si le Shalimar d'origine est plus classique dans son rendu, plus strict, raide et sophistiqué que la version moderne, il aura, dirons-nous, plutôt bien vieilli avec son temps, perdant quelques couches au fil des décennies, se dénudant peu à peu pour s'esquisser plutôt "fille facile" que "bourgeoise en fourrure".

Shalimar - Guerlain ; photo : Musque-Moi !

Et pour 2015 ?
Thierry Wasser ne cache pas qu'il aimerait encore améliorer Shalimar dans les années à venir, à l'image de Mitsouko qui a raflé le Prix du Patrimoine de l'Olfactorama 2013. Ses essais ont d'ailleurs déjà été nombreux, pour tenter notamment de modifier l'aspect musqué en revenant au plus proche de la version ancienne et en se collant au plus près des restrictions, pour gagner également en tenue et en diffusion. Mais un retour en arrière aussi brutal n'est pas si simple, surtout lorsqu'il s'agit de l'un des produits phare de la marque. Cela demande un certain respect du consommateur, fidèle à son parfum et qu'il ne connait pas nécessairement dans ses versions vintages.
Bien sûr, cela relève plus de la sensibilisation du client envers la marque, une éducation, mais dans une société où le parfum a perdu toute sa noblesse et son luxe, difficile de tenir ce discours face à d'autres. Mais on ne désespère pas !
C'est aussi un travail délicat, colossal et de longue haleine, qui nécessite des longues recherches (passionnées et passionnantes, quand on entends parler le parfumeur maison) en laboratoire pour tenter de faire diversion face à la législation en vigueur. Véritable travail d'illusionniste à quatre mains et deux nez, pour recréer ce qu'étaient les essences, absolus et bases d'hier pour pouvoir apprécier aujourd'hui les parfums comme ils l'étaient à leur premier jour.


Alors en attendant que Shalimar nous revienne, dans les années à venir, peut être un peu plus proche de ce qu'il fut par le passé, je me permets de remercier infiniment Frédéric Sacone, parfumeur junior qui a cassé plusieurs moulins à café pour moudre ses iris, Thierry Wasser, qui a soutenu ce projet fou et ambitieux en le portant avec fierté, et bien sûr la maison Guerlain.
Au nom de la passion pour le parfum et son histoire, MERCI !


En espérant que cette démarche honorable inspire en bien de nombreuses autres maisons... A bon entendeur !



Pohadka, Ys-Uzac - La fuite du temps...

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"Ainsi la Nuit..."
Voilà le sous-titre de ce parfum, présenté par son créateur Vincent Micotti comme un cuir vert (soit !). Cette phrase sonne comme un prélude à de douces rêveries. Et pour cause, ce n'est pas la nuit que m'évoque ce conte lorsque je le découvris il y a quelques années, mais bien une douce fin d'après midi d'été...

Quitter une ambiance sereine et idéale pour voguer vers d'autres horizons incertains, ou au contraire bien trop communs, bien trop connus. Tiraillé entre la plénitude d'un moment plaisant, hors du temps, et le blues d'un dimanche soir au retour des vacances. Vous connaissez cette sensation d'apaisement, d'euphorie et de mélancolie mêlés ? C'est ce qu'inspire en moi Pohadka !
Ce sentiment ambigu, instable mais plaisant contraste, entre regrets et béatitude, est évoqué à merveille dans ce parfum par l'association des notes fraîches et vertes à un fond chaud et "salé", liées par un jasmin rond et doux, tout en discrétion, qui habille le tout sans jouer sa partition en solo.

Paysage champêtre d'été - source : photo perso

Son ouverture, fraîche, verte et scintillante, doucement glaciale, faite de feuilles de shiso et de menthe, est comme une brise qui claque sur les joues ; cheveux au vent et rire aux lèvres. On file sur la route vallonnée, entre les champs verts à flanc de collines et les vignes gorgées de raisins, en cette fin d'été. Le paysage forme des boules moutonneuses de vert et d'ocre, douces et ondulantes. Le jour décline et baigne la campagne, sereine et fatigué par la canicule, d'une lumière d'or cuivré. Champignon, tabac et immortelle : dans l'air, l'humidité de la rosée qui s'installe fait monter les odeurs de foin moite et des sous bois dans les restes de chaleur déclinante.
Sous mes yeux défilent les mille vagues scintillantes d'un lac qui s'étale, impassible, au bas des coteaux. Fuir le jour qui décline et caresser du bout des doigts les herbes folles qui se balancent au vent... Pohadka pose toute une ambiance.



Course sans but à travers la campagne, si ce n'est vers l'automne, le temps se suspend à nos cœurs et au crépuscule naissant. Le jasmin, discret, fond les notes vertes tièdes et foin sur la peau, mêlées au accents anisés d'un bois de réglisse qui stimule l'esprit autant que les papilles, comme les piaillements des étourneaux qui fusent à travers le calme champêtre. Quelques œillets et une touche salée, presque  minérale, qui me rappelle le cèleri, sonnent comme les dernière notes de cet andante en vert et or, teinté de sépia.
Derrière nous, les feuilles se teintent de jaune et d'orange, s'épicent. L'automne tenterait-il de nous rattraper ? Qu'importe ! Vivons à plein poumons les derniers moments de cet été qui décline avec le jour.




Musk, Lorenzo Villoresi - Caresse veloutée...

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De la maison italienne éponyme, où l'artisan parfumeur très confidentiel Lorenzo Villoresi propose des fragrances aussi classiques et ciselées que brutes et authentiques, on ne pouvait attendre qu'une interprétation intéressante, dans ces mêmes codes, du musc tonkin.

Du musc naturel venant du chevrotin, 'Musk' a perdu l'animalité fécale et "sang caillé", pour mettre l'accent plutôt sur son aspect soyeux, scintillant, et à la tentation charnelle et addictive aux accents de cacao et de castoréum. C'est cet aspect cacaoté, noir et profond comme un tunnel qui vous aspire et où vous n'avez même pas envie de vous débattre tant la sensation est plaisante, qui m'avait saisi lors de ma première rencontre avec le musc tonkin véritable. Hypnotisé par tant de douceur et d'animalité à la fois, je n'arrivais plus à me détacher du pot contenant les petites poches poilues d'apparence peu ragoutantes!

Une chute vertigineuse dans les notes lascives et doucement animales du musc, plus ronronnantes qu'enragées, que je retrouve donc ici. Une chute parée de roses, de géranium et de notes de fleurs blanches comme pour l'amortir, et qui s'entrelacent pour couvrir l'indolent d'un voile pudique fait d'une soie imprégnée de l'odeur des corps qui s'y sont aimés. C'est la caresse électrisante d'une fourrure sur un pétale carné...
Moelleux et douceur sont accentués par une vanille suave et tout juste goudronnées, aux gousses d'un brun fauve et luisant qui font écho au gras olivâtre de ce que je sens comme étant du castoréum.

Les bois de cèdre et de santal, eux aussi lascifs et présent dès la tête, tout juste relevés d'une pointe d'épices pour parfaire le tableau, forment la charpente.
En fond, au bout de quelques heures, persiste une douceur moelleuse, poudrée et veloutée, tout juste irisée dans son aspect scintillant ; tout ce qu'on attendrait d'un musc, loin des muscs blancs aseptisés de nombreuses créations modernes.

'Musk' de Lorenzo Villoresi reste, pour moi, avec Musc Tonkin de Parfum d'Empire qui joue sur un registre plus figuratif, l'une des plus belles interprétations du musc tonkin naturel. Cocoon, suave, poudré, à peine animal, il serait presque le pendant masculin de Teint de Neige, mais son fond qui penche dangereusement vers le sucré le rend tout aussi féminin.

L'Homme au parfum - Chaleur, chaleur... Et si vous osiez le ton sur ton ?

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Il y a quelques jours, Anatole Lebreton nous proposait sa sélection de parfums de l'été aux jus tonitruants sous le zénith de juin. Des parfums en apparence culottés à porter par temps chaud, et pourtant... 
Je voulais vous parler aussi des miens depuis longtemps, et cet article m'a inspiré. Alors voilà, à la façon du "Qu'est ce que je mets avec ma cravate ?", voici ma sélection pour l'homme qui n'aura pas peur de sortir des traditionnelles eaux fraîches en été.

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On est en plein dedans, ça y est. C'est l'été !
Les jours sont les plus longs de l'année. Une semaine entière au minimum arrive à passer sans la moindre averse ni un thermomètre en dessous de 22°C (oui bon... on peut exagérer un peu, c'est pour l'histoire !).
Nos habitudes parfumées, qui vont de paire avec le temps, s'adaptent. On a envie de rien, si ce n'est, parfois, que d'un léger voile parfumé pour sortir prendre le soleil autour d'un cocktail en terrasse. Ou alors on a envie de lourd, du bien lourd : juste une goutte derrière les oreilles, ou sur la poitrine, qui grésille de toutes ses forces en coulant sur la peau. Une essence de caractère, forte, qui fait jubiler par sa puissance qui semble se mêler aux rayons cuisant du soleil, magnifiée par la chaleur et l'atmosphère estivale. Mais attention, pas de gros jus collant ou surdosé pour avoir l'air d'un mannequin dopé au carotène sortant de chez Versace ou Cavalli ! On sait se tenir...

Par temps chaud, ce sont les fleurs blanches narcotiques ou les résines et les baumes qui deviennent jubilatoires à porter. Mais pas tous les jours, bien sûr. Se verser des litres de citrons pressés sur le dos pour dire de se rafraichir, c'est bien drôle, mais moi ça me fait plus suer qu'autre chose !
Autant habiller son sillage de quelque chose d'un peu plus consistant, d'un peu plus charmeur, alors qu'on se déshabille un peu plus à chaque poussée du thermomètre. Car oui, cette idée de mettre du lourd par temps chaud, par pur provocation et pour que les autres sentent que nous, n'est que manifestation d'un inconscient sexuel et égoïste. Qu'on se le dise...

Alors quels parfums puissants et torrides oser en été, et avec quoi les porter ? Car ne vous leurrez pas, avec de tels mastodontes dans le sillage, vous ne passerez pas inaperçu !

Voici ma sélection, testée et approuvée :

photo source : The Modern Gentleman
Le classique addictif - Habit Rouge (EDT), Guerlain

Son départ fusant et explosif d'agrumes n'est qu'accessoire. Trompeur même !
C'est oublier que ce grand classique de la parfumerie masculine est avant tout un cuir oriental. Et c'est par beau temps que ses atours les plus sensuels et les plus charmeurs se révèlent le mieux.
Passé la tête revigorante typiquement Guerlain, c'est le cuir rêche et râpeux, animalisé par la civette et fleuri par la rose, qui prend le relais, avant de se fondre dans un patchouli enrobé de vanille et de baumes, à peine poivré à la façon Shalimar. Cet oriental boisé sur la fin habille élégamment et rend addict n'importe qui osera s'aventurer trop près de votre cou. Ces effluves enveloppantes et caressantes relativement bien tenaces tout en restant discrètes sur une journée, accompagneront pique-niques à la campagne, repas de famille au jardin ou tout simplement promenade citadine ! A porter aussi bien de façon chic, que décontractée, avec un chemise col Mao dans les tons clairs et pantalon, ou même short beige. Car oui, Habit Rouge est facile à vivre !
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Dans le même genre : les versions EDP ou même extrait d'Habit Rouge, ou bienEgoïste de Chanel, moins hespéridé mais tout aussi classique et oriental !


Déflagration et adrénaline - Shams, Memo
photo source : The Modern Gentlemen

Adepte de sensations fortes ? Audacieux ? Envie de ne pas laisser indifférent sur son passage ?
Encens, poivre noir et oud crépitant sur la peau dans une explosion brûlante de résines fumantes, ça vous tente ?
Shams est un hommage au soleil. Alors il serait dommage de séparer les rayons incendiaires et insolents de l'un et de l'autre qui, combinés, électrisent les sens jusqu'à la moindre synapse du moindre neurone du nerf le plus reculé de votre corps.
Du oud, il n'en a pas la prétention, il en emprunte le nom mais pas l'aspect synthétique de la plupart sortis ces dernières années. Le bois mythique noircit les traits déjà bien sombres du badboy des villes, qui aime le cuir et la gomme de pneu chauffée que ce parfum évoque, et qui vont à merveille avec son pantalon chino gris et ses chaussures montantes à la mode. Un peu "roots", mais au style étudié.
Shams ne se laisse pas si facilement apprivoiser ! Mais quand les notes ambrées se mêlent sur la fin aux bois cuirés, c'est l'extase, à la manière d'un piment qui attiserait vos pulsions par la chaleur brûlante, comme une décharge d'adrénaline pure qui vous traverse le corps de part en part.... Hypnotique !
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Dans le même genre : Bvlgari Black (discontinué) jouant sur le même effet brûlé et pneu chauffé, en beaucoup plus doux, ou Incense Oud (By Kilian) plus sage, légèrement fleuri.


photo source : The Modern Gentlemen
Je viens du sud...  - Sables, Annick Goutal

Un vent sec qui balaie les dunes et transporte avec lui le bruit des végétaux qui grésillent et leur parfum. C'est la promesse de Sables, gorgé d'hélichryse, au point de vous transformer en un véritable maquis embulant. Cette overdose d'immortelle (son autre nom) n'apporte pas les bienfaits d'une fontaine de jouvence, mais un caractère épicé bien particulier : une ouverture alcoolisée, proche de l'eau de vie de poire, qui tend ensuite sur une note de curry et de céleri. Cette aspect à la fois aromatique et épicé très singulier s'étale sur peau en faisant ressortir un aspect salé particulièrement agréable. Le santal apporte un fond boisé qui se marie aux notes ambrées, qui métamorphose parfois sur peau le parfum en un véritable biscuit. C'est irrésistible !
Et avec ces odeurs de bords de mer mais côté terre, pourquoi ne pas miser sur le lin, le coton dans les teintes claires ? Après tout c'est les vacances ! Alors avec ce parfum, on prend le temps d'aller contempler le jour qui tombe sur la campagne, et on profite des gens qu'on aime.
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Dans le même genre : Santal de Mysore (Serge Lutens), un santal aux épices indiennes, avec en plus quelques fruit secs... 

This man is on fire... - Ambre Sultan, Serge Lutens
photo source : The Modern Gentleman

"Laisse-moi t'embraser" semble susurrer l'un des plus mythiques parfums de Serge Lutens lorsqu'on ose laisser tomber dans son cou une goutte du précieux élixir doré.
Mettre Ambre Sultan en plein été, c'est se laisser parer d'une carapace dorée qui scintille au soleil. Une force qui fait relever le menton, donne de l'assurance, se fait sentir irrésistible. Sur l'épiderme, la vanille fait se fondre les baumes et les résines qui crépitent sous la chaleur du soleil, à moins que ce ne soit celle de votre peau. Il faut le dire : par temps chaud, le notes orientales lorsqu'elles ne tombent pas dans la vanille, jouent les allumeuses !
Si j'en avait l'audace, je dirais que cet aphrodisiaque se porte avec le minimum de vêtements possible, mais là c'est moi qui passerait pour l'allumeuse. Alors je le préconiserais pour une chaude soirée d'été, ou bien pour un après midi à la plage, histoire de se faire sentir ou de lui laisser le plus de soleil possible pour qu'il s'épanouisse ! A porter le plus simplement possible, pour ne pas en faire trop, avec un simple short et un t-shirt, mais à manier cependant avec prudence...
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Dans le même genre : on regardera du côté de Cuir Ottoman (Parfum d'Empire), plus vanillé, ou de Ambre Narguilé (Hermès), jouant sur les épices et le côté gourmand de la tarte pomme/cannelle.


photo source : Style for Men
Oser le décalage - Poison, Dior

Vous n'avez pas peur de porter un parfum féminin ? Alors pourquoi ne pas aller voir du côté du rayon de ces dames pour s'approprier une fleur qui fonctionne particulièrement bien en été : la tubéreuse !
Narcotique, riche, entêtante... la tubéreuse est une fleur blanche enivrante qui n'attend que les beaux jours pour révéler sa pleine puissance et ses atouts les plus charmeurs. Dans Poison, elle est so 80's : épaulettes, brushing atomique, un peu de fluo mal accordé par ci, par là... mais surtout elle n'est pas QUE une tubéreuse. C'est pourquoi, messieurs, vous pourrez l'adopter facilement ! Ses notes de coumarine et d'épices lui donnent presque des allures de fougère chimérique sur la fin. Ambivalence d'une fleur hypnotique pour un parfum que vous pourrez rendre androgyne. L'association avec quelques violets et bleus (les couleurs de Poison !) sera parfaite, et encore plus dans un style "college" décalé et un peu rétro : chemise à manches courtes pour l'été, rentré dans un short et pourquoi pas accompagné d'un blazer. A vous de choisir l'ordre des couleurs... et le parfum fera le reste.
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Dans le même genre : restons sur les tubéreuse, et celles qui réclament la canicule, avec Carnal Flower (Frédéric Malle), mais traitée de façon beaucoup plus verte et solaire.


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Bien sûr, cette liste et ces associations sont exhaustives. A vous de créer les vôtres, d'oser les parfums de caractère en été, et de venir nous en parler !

Et bien sûr, comme le premier de cette série, je dédie cet article à Juliette, alias Poivre Bleu, la pro dans le domaine des associations de parfums avec toutes sortes de chose : culottes, sacs, chambre à coucher...

[Coup de Coeur] Eau Noble, Le Galion - Conjuguez le masculin au vintage, à la troisième personne de l'élégance...

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En allant à la présentation de la gamme Le Galion, marque de parfums créée au début du siècle dernier par le Prince Murat (descendant de Napoléon Bonaparte), je ne n'avais pas d'attente précise. Ce n'est pas la première marque qui renait de ses cendres, et dans le domaine on en a vu des vertes et des pas mûres. Mais elle ne fait pas de bruit, dans son coin, et se développe gentiment sous l'aile d'un passionné de la marque. La découverte fut donc exempte de tout apriori et se fit tout naturellement...

Neuf parfums sont donc réédités en 2014 par Nicolas Chabot, un passionné incollable sur la marque au voilier. Il a eu la chance de se voir confier les rennes de la maison par la fille de Paul Vacher en personne, puisque c'est bien le créateur d'Arpège et de Miss Dior qui reprit Le Galion en 1935, avant de la céder à une société américaine qui la fit péricliter dans les années 80.


Eau Noble, Le Galion. Photo source : legalion.fr

Alors on (re)découvre le fameux Sortilège (1936), un floral aldéhydé riche, quoique plus frais que ses ancêtres, le N°5 et Arpège. Enveloppées de notes animales profondes de civette et des notes amandées du mimosa qui tirent plus vers l'amande en fond, le bouquet de fleurs se déroule sur peau pour laisser s'exprimer tantôt la rose et le géranium, tantôt l'ylang et le jasmin. Au bout de quelques heures, le fond musqué et richement boisé de vétiver est particulièrement confortable.

Mais sous les cloches de verre où sont présentés les fragrances, c'est un tout autre parfum qui attire mon attention immédiatement. Même si elle semble un peu étouffée et faiblarde sous sa coupole hermétique, avec ses notes cuirées et aromatiques de masculin classique à l'ancienne, elle semble déjà bien prometteuse et je me précipite donc sur le flacon pour lui laisser toute sa chance sur peau. Ce parfum, c'est Eau Noble.

Dès la pulvérisation, c'est une explosion de citron et de bergamote, accompagnés d'une touche de basilic et de lavande, boostés par la verdeur mordante du galbanum. C'est ensuite la sauge, avec son vert mat et amer, qui fait le lien avec un fond légèrement chypré, composé de cuir vert (isobutylquinoléine) et de bois.

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Vous vous souvenez de cette époque où les parfums masculins qui sortaient étaient beaux ? Des parfums simples mais efficaces, toujours oscillant entre l'eau fraîche et/ou la fougère, peut être parfois clichés, mais toujours réussis. Et bien l'Eau Noble est de cette époque. De cette génération de parfums masculins qui ont vu naître Eau Sauvage, Azzaro Pour Homme ou l'Eau d'Orange Verte.
C'est l'odeur du cou de papa fraichement rasé de près, du mouchoir imbibé de cologne de papy, des dimanches en famille où tout le monde sort son eau de toilette pour aller à la messe...
Mais c'est aussi des parfums que les femmes aimaient s'approprier, pour leur fraicheur et la subtilité des notes de caractère qui se développent en fond pour habiller le sillage racé d'un trait de caractère affirmé.
L'Eau Noble, c'est la simplicité d'une eau fraîche alliée à l'élégance des notes florales et d'un fond chypré, qui lui donne la facilité doublée de finesse d'une veste bien taillée ou d'une robe ajustée.

Depuis quelques jours, je ne m'en lasse plus, et cette eau parfaite en toute saison est venu s'installer sur l'étagère entre Azemour et Habit Rouge qu'elle complète parfaitement !

[Fiche Matière] #2 Absolue d'Osmanthus

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Il y a les fleurs qui sentent la fleur, et puis il y a les autres...

L'osmanthus est une fleur du XXIème siècle. Même si elle est utilisée depuis des millénaires en Chine et qu'on la voit déjà apparaitre dans "1000" de Jean Patou en 1972, elle ne reste pas inconnue de la parfumerie mais connait surtout un véritable essor à partir de l'an 2000, avec le lancement de "Osmanthus" de The Different Company. En effet, c'est avec le succès grandissant des marques dites "de niche", qui communiquent énormément autour des ingrédients utilisés et n'hésitent pas à lancer des "soliflores" ou des "solinotes", que bon nombres de matières premières sortent de l'ombre et deviennent tendance. L'osmanthus, tout comme la tubéreuse, la myrrhe, l'encens et bien d'autres, commence alors à faire rêver d'ailleurs exotiques.

Osmanthus fragrans - source : Wikipédia

L'osmanthus, c'est au pays du soleil levant qu'il s'épanouit. En Chine, dans la province de Guangxi, cet arbuste se couvre de petites fleurs de couleur blanche à orange/abricot en septembre et octobre. Il appartient à la famille des oléacées, comme l'olivier, ou de nombreuses plantes odorantes (lilas, jasmin...). On l'appelle familièrement "olivier odorant", "osmanthus" venant d'ailleurs du grec "osmé" signifiant "parfum" et "anthos", la "fleur".
En effet, ses fleurs puissamment parfumées, aux notes fruitées d'abricot, ont vite séduit l'homme qui les utilisa en confiture, gelées, liqueurs, et même ravioles, ou en infusion, mêlées au thé. Une dernière association qui n'échappe pas aux parfumeurs...

Velouté, dense et fruité à la fois, l'absolu d'osmanthus est la force tranquille. Riche de facettes lourdes et suaves, lorsqu'il n'est pas traité de façon éthérée et fraîche par des notes de thé vert ou d'agrumes, il a tendance, en composition, à densifier un parfum, le tasser, et presque parfois à l'affadir. Il impose toute sa profondeur dense, presque poudrée dans un effet de texture "peau de pêche". La maestria du parfumeur, qui joue avec cette matière, réside donc dans un jeu de dosages et d'associations subtiles et efficaces pour le sublimer ou bien l'incorporer à merveille dans sa formule sans qu'il plombe l'ensemble.


Mais concrètement, à quoi ressemble donc olfactivement cette matière exotique ?
Véritable chimère, elle oscille entre une douceur enfantine, presque angélique, et la personnalité multiple d'une matière à trois tête : fleur, fruit et animal.

L'osmanthus charme par son irrésistible odeur d'abricots secs, confits, qui auraient même gardé la douceur veloutée de leur peau si douce. La prune, avec sa peau acidulée et juteuse se mêle au bouquet de fruits. Cette évocation fruitée et moelleuse est due, entre autres, à l'association de molécules bien connues en parfumerie : les ionones (à l'odeur de violette) la damascenone (à l'odeur de fruits blets ou secs), l'aldéhyde C14 (la pêche de Mitsouko !)...
Mais dès les premières minutes, on sent pointer, derrière, une odeur aigre, acide, grasse, qui rappelle le cuir du castoreum ! Enrobant les fruits, cet effet cuiré se lie à eux par des facettes tabac et florales, derniers témoins de la véritable origine de cette matière. Il fait ondoyer l'ensemble, presque à la manière d'une fourrure, conférant ainsi à cette matière bien végétale une âme purement animale ; sans pour autant sentir la bête.
Cuivré, orangé, brun où pointe un éclat vif de lumière dorée... l'absolue d'osmanthus se teinte de mystère lorsque vous en agitez une mouillette sous votre nez. Et pourtant, en parfumerie, il est presque exclusivement traité de façon transparente, douce et éclatante. Il est toujours éclairé d'une luminosité franche, et associé à une note de thé vert façon Eau Parfumée de Bvlgari.
Gommées les facettes cuirées, oublié le ronronnement animal sous le végétal... Besoin de lifter la matière pour les nez non avertis ? Clichés d'une vision très occidentale de l'Asie ? Peut être, mais aussi car l'accord est simple et efficace ! Pour faire un thé à la façon Jean Claude Ellena, pas de secrets : une bonne louche d'Hédione (un jasmin transparent et aérien) arrosée d'une rasade de ionone bêta (une violette âpre et verte). Et rappelez-vous de la ionone : elle est l'un des constituants naturels de l'absolu d'osmanthus. Le fondu est donc tout naturel...
On retrouve cette association dans Osmanthée, le prochain parfum du Cercle des Parfumeurs Créateurs, où Jean Christophe Hérault a rendu l'osmanthus tendre et lumineux, plutôt floral, en l'infusant dans un thé frais et en le couchant sur un bon lit de muscs blancs. Persiste la note duveteuse de l'abricot, mais de façon bien assagie et propre. Cependant, ce nouveau parfum autour de l'osmanthus a quelque chose de magnétique et de scintillant, et qui mérite donc que l'on s'y attarde !

Osmanthus, The Different Company


Personnellement, je trouve que dans les nombreux soliflores osmanthus qui existent sur le marché, la fleur souffre sempiternellement d'un affadissement du à cette rectification des notes sombres, animales et cuirées/tabac. Que ce soit dans Osmanthus de The Different Company, revendiqué comme étant le premier, Osmanthus Interdite de Parfum d'Empire ou encore Osmanthe Yunan chez Hermès, on s'ennuie particulièrement sur la durée ! Alors que dans 1000 de Jean Patou, il apporte cette fameuse densité sombre évoquée plus haut, appuyant l'effet "parfum fourrure" et fondant le parfum sur peau. A quand un soliflore proposant un osmanthus "roots", originel, pur et facetté, où ses atours les plus profonds seraient exploités et exacerbés ? Mathilde Laurent avoue avoir un faible pour cette matière et vouloir la travailler dans un parfum dans un futur proche. Peut être l'une des prochaines et dernières Heures chez Cartier ?

L'Osmanthus serait donc une matière plus intéressante en composition plutôt qu'en soliflore ? A débattre !




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A lire également :
- Matières premières, introduction et réflexions...
- #1 Absolue de Mousse de Chêne
- #2 Absolue d'Osmanthus

Moon Dance, Juliette Has a Gun - Juliette a muri ?

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C'est toujours un plaisir de découvrir une marque là où on ne l'attend pas !

C'est sans conviction, aucune, que je me suis approché il y a quelques jours de Moon Dance, le dernier né de chez Juliette Has a Gun, inaugurant avec son prédécesseur Oil Fiction, également en flacon rectangulaire (censé être une édition limitée à la base), une nouvelle collection exclusive. La notion de "collections exclusives" me laisse toujours dubitatif, surtout dans des marques alternatives qui sont déjà sensées l'être, mais le flacon sobre au jus foncé a attisé ma curiosité en esquissant de loin et du coin de l’œil l'ombre d'un "Miss Dior" de par sa typo. Piégé !

Moon Dance, Juliette Has a Gun

Mais Moon Dance semble partager une autre particularité avec son "homonyme d'initiales" et de typographie. Même s'il n'est pas vert, c'est bien un chypre qui se cache sous ce jus de pourpre. Et quel chypre !
Grandiose et extravagant, il semble tout droit sorti des années 80, tissant un lien entre Ubar d'Amouage et Coco de Chanel, en passant par la froideur aldéhydée de Byzance de Rochas.
A l'image de sa couleur, c'est une étrange fleur nocturne d'un rouge incendiaire qui vient se mêler aux replis d'un patchouli noir et liquoreux dans une danse hypnotique. Rose et tubéreuse ne se battent pas en duel mais s'étreignent avec flegme, au centre d'un muguet, d'une violette, d'une vanille et de notes animales qui rendent ce tango endiablé plus crémeux, complexe et langoureux.
Un rayon de lune caresse, d'une lumière argentée et froide, les pétales d'une rose noire qui s'enivre des vapeurs mordantes d'un alcool de prune et de fruits rouges. On ne sait pas s'il faut y sentir la chaleur des fleurs mêlées d'épices qui brulent de désir, ou la fraicheur d'une brise nocturne au clair de lune !

Tango, photo source : www.fredastaireprinceton.com

Quoiqu'il en soit, cette fragrance affirmée et signée a un caractère bien trempé mais pas dénué d'élégance, qui ouvre une nouvelle voie chez Juliette Has a Gun. Plutôt fourrure et robe fourreau que petit top rock et look de bobo. Plutôt porte cigarette et rang de perle que clope roulée et chignon bohème. Avec Moon Dance, la Juliette plutôt innocente de Not a Perfume a bien changé. Elle est devenue une femme mature. Et ce n'est pas pour nous déplaire !
Troquer son regard innocent et son baladeur mp3 pour un regard en coin assassin et un glock caché sous sa robe... la lycéenne branchouille de bonne famille serait-elle devenue James Bond Girl ?

Enfin ! Juliette has a gun !!!

To be continued ?
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